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POLYBE, LIV. I.

empêché d’en apporter, et l’attaque fut poussée le plus vivement qu’il était possible. Junius ne fut pas plus tôt arrivé au camp après son naufrage, que, pénétré de douleur, il chercha par quel exploit considérable il pourrait réparer la perte qu’il venait de faire. Une occasion se présenta ; il fit entamer dans Éryce des menées qui lui livrèrent et la ville et le temple de Vénus. Éryce est une montagne située sur la côte de Sicile qui regarde l’Afrique, entre Drépane et Palerme, plus voisine de Drépane et plus inaccessible de ce côté-là. C’est la plus haute montagne de Sicile après le mont Etna. Elle se termine en une plate-forme, sur laquelle on a bâti le temple de Vénus Érycine, le plus beau, sans contredit, et le plus riche de tous les temples de Sicile. Au-dessous du sommet est la ville, où l’on ne peut monter que par un chemin très-long et très-escarpé, de quelque côté que l’on y vienne. Junius, ayant commandé quelques troupes sur le sommet et sur le chemin de Drépane, gardait avec soin ces deux postes, persuadé qu’en se tenant simplement sur la défensive, il retiendrait paisiblement sous sa puissance et la ville et toute la montagne.




CHAPITRE XIII.


Prise d’Ercte par Amilcar. — Différentes tentatives des deux généraux l’un contre l’autre. — Amilcar assiége Éryce. — Nouvelle flotte des Romains, commandée par C. Luctatius. — Bataille d’Éguse.


La dix-huitième année de cette guerre, les Carthaginois ayant fait Amilcar, surnommé Barcas, général de leurs armées, ils lui donnèrent le commandement de la flotte. Celui-ci partit aussitôt pour aller ravager l’Italie ; il fit du dégât dans le pays des Locriens et des Bruttiens ; de là, il prit avec toute sa flotte la route de Palerme, et s’empara d’Ercte, place située sur la côte de la mer, entre Éryce et Palerme, et très-commode pour y loger une armée, même pour long-temps ; car c’est une montagne qui, s’élevant de la plaine jusqu’à une assez grande hauteur, est escarpée de tous côtés, et dont le sommet a au moins cent stades de circonférence. Au-dessous de ce sommet, tout autour, est un terrain très-fertile, où les vents de mer ne se font pas sentir, et où les bêtes venimeuses sont tout-à-fait inconnues. Du côté de la mer et du côté de la terre, ce sont des précipices affreux, entre lesquels ce qu’il reste d’espace est facile à garder. Sur la montagne s’élève encore une butte, qui peut servir comme de donjon, et d’où il est aisé d’observer ce qui se passe dans la plaine. Le port a beaucoup de fond, et semble fait exprès pour la commodité de ceux qui vont de Drépane et de Lilybée en Italie. On ne peut approcher de cette montagne que par trois endroits, dont deux sont du côté de la terre et un du côté de la mer, et tous trois fort difficiles. Ce fut sur ce dernier qu’Amilcar vint camper. Il fallait qu’il fût aussi intrépide qu’il l’était, pour se jeter ainsi au milieu de ses ennemis n’ayant ni ville alliée, ni espérance d’aucun secours. Malgré cela, il ne laissa pas de livrer de grosses batailles aux Romains, et de leur donner de grandes alarmes ; car d’abord, se mettant là en mer, il alla désolant toute la côte d’Italie, et pénétra jusqu’au pays des Cuméens ; ensuite, les Romains étant venus par terre se camper à environ cinq stades de son armée devant la ville de Palerme, pendant près de trois ans il leur livra une infinité de différens combats.

Décrire ces combats en détail, c’est ce qui ne serait pas possible. On doit