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POLYBE, LIV. II.

chefs. De là vint que les Transalpins s’étant avancés avec une armée jusqu’à Ariminum, le peuple, chez les Boïens ne voulut pas marcher avec eux. Il se révolta contre ses chefs, s’éleva contre ceux qui venaient d’arriver, et tua ses propres rois Atis et Galatus. Il y eut même une bataille rangée, où ils se massacrèrent les uns les autres. Les Romains, épouvantés de l’irruption des Gaulois, se mirent en campagne ; mais, apprenant qu’ils s’étaient défaits eux-mêmes, ils reprirent la route de leur pays.

Cinq ans après, sous le consulat de Marcus Lepidus, les Romains partagèrent entre eux les terres du Picenum, d’où ils avaient chassé les Sénonais. Ce fut C. Flaminius, qui, pour captiver la faveur du peuple, introduisit cette nouvelle loi, qu’on peut dire avoir été la principale cause de la corruption des mœurs des Romains, et ensuite de la guerre qu’ils eurent avec les Sénonais. Plusieurs peuples de la nation gauloise entrèrent dans la querelle, surtout les Boïens, qui étaient limitrophes des Romains. Ils se persuadèrent que ce n’était plus pour commander et pour faire la loi, que les Romains les attaquaient, mais pour les perdre et les détruire entièrement. Dans cette pensée, les Insubriens et les Boïens, les deux plus grandes tribus de la nation, se liguent ensemble et envoient chez les Gaulois, qui habitaient le long des Alpes et du Rhône, et qu’on appelait Gésates, parce qu’ils servaient pour une certaine solde ; car c’est ce que signifie proprement ce mot. Pour gagner leurs deux rois Concolitan et Aneroeste, et les engager à armer contre les Romains, ils leur font présent d’une somme considérable ; ils leur mettent devant les yeux la grandeur et la puissance de ce peuple : ils les flattent par la vue des richesses immenses qu’une victoire gagnée sur lui ne manquera pas de leur procurer, ils leur promettent solennellement de partager avec eux tous les périls de cette guerre ; ils leur rappellent les exploits de leurs ancêtres, qui, ayant pris les armes contre les Romains, les avaient complètement battus, et avaient pris d’emblée la ville de Rome ; qui en étaient restés les maîtres, ainsi que de tout ce qui était dedans, pendant sept mois ; et qui, après avoir cédé et rendu la ville, non-seulement sans y être forcés, mais même avec reconnaissance de la part des Romains, étaient retournés sains et saufs, et chargés de butin dans leur patrie.

Cette harangue échauffa tellement les esprits, que jamais on ne vit sortir de ces provinces une armée plus nombreuse, et composée de soldats plus braves et plus belliqueux. Au bruit de ce soulèvement, on tremble à Rome pour l’avenir : tout y est dans le trouble et dans la frayeur. On lève des troupes ; on fait des magasins de vivres et de munitions, on mène l’armée jusque sur les frontières, comme si les Gaulois étaient déjà dans le pays, quoiqu’ils ne fussent pas encore sortis du leur.




CHAPITRE V.


Traité des Romains avec Asdrubal. — Irruption des Gaulois dans l’Italie. — Préparatifs des Romains.


En Espagne la puissance des Carthaginois s’étendait et s’affermissait de plus en plus pendant tous ces mouvemens, sans que les Romains, pussent y mettre obstacle. Les Gaulois les pressaient l’épée dans les reins ; comment veiller sur ce qui se passait dans un royaume éloigné ? Ce qui leur importait le plus, était de se mettre en sûreté contre les