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POLYBE, LIV. III.

avaient postés à la tête du pont pour favoriser la retraite ; et sur le rapport qu’ils lui firent que Publius était déjà loin, il rebroussa chemin le long du fleuve, pour trouver un endroit où il pût aisément jeter un pont. Après deux jours de marche, il fit faire un pont de bateaux, et ordonna à Asdrubal de passer avec l’armée. Il passa lui-même ensuite, et donna audience aux ambassadeurs qui lui étaient venus des lieux voisins ; car aussitôt après la journée du Tésin tous les Gaulois du voisinage, suivant leur premier projet, s’empressèrent à l’envi de se joindre à lui, de le fournir de munitions, et de grossir son armée. Tous ces ambassadeurs furent reçus avec beaucoup de politesse et d’amitié.

Quand l’armée eut traversé le Pô, Annibal, au lieu de le remonter, comme il avait fait auparavant, le descendit dans le dessein d’atteindre l’ennemi ; car Publius avait aussi passé ce fleuve, et, s’étant retranché auprès de Plaisance, qui est une colonie des Romains, il se faisait là panser lui et les autres blessés, sans aucune inquiétude pour ses troupes qu’il croyait avoir mises à couvert de toute insulte. Cependant Annibal, au bout de deux jours de marche depuis le Pô, arriva sur les ennemis, et le troisième il rangea son armée en bataille sous leurs yeux. Personne ne se présentant, il se retrancha à environ cinquante stades des Romains. Alors les Gaulois qui s’étaient joints à Annibal, voyant les affaires des Carthaginois sur un si bon pied, complotèrent ensemble de tomber sur les Romains, et, restant dans leurs tentes, ils épiaient le moment de les attaquer. Après avoir soupé, ils se retirèrent dans leurs retranchemens, et s’y reposèrent la plus grande partie de la nuit ; mais à la petite pointe du jour ils sortirent, au nombre de deux mille hommes de pied et d’environ deux cents chevaux, tous bien armés, et fondirent sur les Romains qui étaient les plus proches du camp. Ils en tuèrent un grand nombre, en blessèrent aussi beaucoup, et apportèrent les têtes de ceux qui étaient morts au général carthaginois.

Annibal reçut ce présent avec reconnaissance. Il les exhorta à continuer à se signaler, leur promit des récompenses proportionnées à leurs services, et les renvoya dans leurs villes, pour publier parmi leurs concitoyens les avantages qu’il avait jusqu’ici remportés, et pour les porter à faire alliance avec lui. Il n’était pas besoin de les y exhorter. Après l’insulte que ceux-ci venaient de faire aux Romains, il fallait que les autres, bon gré mal gré, se rangeassent du parti d’Annibal. Ils vinrent en effet s’y ranger, amenant avec eux les Boïens, qui lui livrèrent les trois Romains que la république avait envoyés pour faire le partage des terres, et qu’ils avaient arrêtés contre la foi des traités, comme j’ai rapporté plus haut. Le Carthaginois fut fort sensible à leur volonté ; il leur donna des assurances de l’alliance qu’il faisait avec eux, et leur rendit les trois Romains en les avertissant de les tenir sous bonne garde, pour retirer de Rome, par leur moyen, les ôtages qu’ils y avaient envoyés, selon ce qu’ils avaient d’abord projeté.




CHAPITRE XIV.


Scipion passa la Trébie, et perd son arrière-garde. — Les Gaulois prennent le parti d’Annibal. — Mouvemens que cette défection cause à Rome. — Annibal entre par surprise dans Clastidium. — Combat de cavalerie. — Conseil de guerre entre les deux consuls. — Ruse d’Annibal.


Cette trahison de deux mille Gaulois donna de grandes inquiétudes à Pu-