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POLYBE, LIV. IV.

qu’il avait emporté d’assaut, il la garda, dans le dessein, à mon avis, non-seulement d’être maître de l’entrée du Péloponnèse, mais encore d’en mettre le pays à couvert d’insultes par le moyen de cette ville, où il y avait une garnison et toutes sortes de munitions.

Dorimaque et Scopas ayant observé le temps où Timoxène devait bientôt sortir de la préture, et où Aratus, choisi pour lui succéder l’année suivante, n’était point encore entré en charge, ils assemblèrent à Rios tout ce qu’ils purent d’Étoliens ; et, après y avoir disposé des pontons et équipé les vaisseaux des Céphalléniens, ils firent passer cette armée dans le Péloponnèse, et marchèrent droit à Messène, prenant leur route par le pays des Patréens, des Pharéens et des Tritéens. Passant sur ces terres, à les entendre, ils n’avaient garde de faire aucun tort aux Achéens ; mais la soldatesque avide de butin ne put s’empêcher de piller ; elle pilla et ravagea tout, jusqu’à ce qu’on fût arrivé à Phégalée, d’où elle se jeta tout d’un coup et avec insolence sur le pays des Messéniens, sans nul égard pour l’amitié et l’alliance qu’ils avaient avec ce peuple depuis très-long-temps, sans aucun respect pour le droit des gens. L’avidité du butin l’emporta sur toutes choses, ils saccagèrent tout impunément, sans que les Messéniens osassent se présenter devant eux pour les arrêter.

C’était alors le temps où se devait tenir l’assemblée des Achéens. Ils vinrent à Égion, et quand le conseil fut formé, les Patréens et les Pharéens firent le détail du pillage que les Étoliens, en passant, avaient fait sur leurs terres. Les Messéniens demandèrent aussi par des députés qu’on vînt à leurs secours, et qu’on les vengeât des torts et des injustices qu’ils avaient souffertes. Le conseil fut sensiblement touché des plaintes des uns et du malheur des autres ; mais ce qui le frappa le plus, ce fut que les Étoliens eussent osé entrer dans l’Achaïe avec une armée, sans que personne leur eût accordé le passage, et qu’ils ne pensassent point à réparer cette injure. On résolut donc de secourir les Messéniens, et pour cela on donna ordre au préteur de faire prendre les armes aux Achéens, et cette résolution fut ratifiée.

Timoxène, dont la préture n’était point encore expirée, ne comptant pas trop sur les Achéens, qui n’avaient pas eu soin d’exercer leurs recrues, refusait de lever des soldats, et ne voulait pas se charger de cette expédition. En effet, depuis que Cléomène avait été chassé du trône de Lacédémone, les peuples du Péloponnèse, fatigués par les guerres précédentes, et ne s’attendant pas que la paix dont ils jouissaient durerait si peu, avaient fort négligé tout ce qui regarde la guerre. Mais Aratus, outré de l’insolence des Étoliens et irrité depuis long-temps contre eux, prit la chose avec plus de chaleur ; il fit prendre les armes aux Achéens, ne souhaitant rien avec plus d’ardeur que d’en venir aux mains avec les Étoliens. Ayant donc reçu de Timoxène le sceau public cinq jours avant qu’il dût le recevoir, il envoya ordre aux villes d’enrôler tous ceux qui étaient en âge de porter les armes, et leur indiqua Mégalopolis pour lieu de rendez‑vous.

Mais avant que d’entrer dans le détail de cette guerre, il sera bon de dire en peu de mots quel était le caractère particulier de ce préteur. Aratus était l’homme du monde le plus propre à être à la tête des affaires, parlant bien, pensant juste, se taisant à propos. Jamais personne ne posséda mieux l’art

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