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POLYBE, LIV. IV.

est dans des marais, et on ne peut en approcher que par un chemin qui était fait de terres rapportées. Il commande avantageusement et le pays et la ville des Ambraciotes.

Philippe donc s’était campé devant Ambracie, et se disposait à en faire le siége, lorsque Scopas, ayant avec un corps d’Étoliens traversé la Thessalie, se jeta sur la Macédoine, porta le ravage dans les plaines de Piérie, et fit marcher vers Die tout le butin qu’il avait fait. Comme les habitans avaient abandonné cette ville, il en renversa les murailles, les maisons et l’académie ; il mit le feu aux galeries qui étaient autour du temple, il réduisit en cendres tous les présens qui y étaient, ou pour l’ornement ou pour la commodité de ceux qui venaient aux fêtes publiques, et abattit les tableaux des rois. Quoique dès le commencement de la guerre il eût attaqué les dieux aussi bien que les hommes, quand il fut de retour en Étolie, loin d’être puni de ses impiétés, on l’y regarda comme un homme qui avait bien mérité de la république, on l’y reçut avec de grands honneurs, on n’en parla qu’avec admiration. Il remplit lui‑même les Étoliens de nouvelles espérances, et grossit leurs exploits par son éloquence ; de sorte qu’ils se persuadèrent que dorénavant personne n’oserait plus se présenter devant les Étoliens, et qu’eux, au contraire, ravageraient impunément non-seulement le Péloponnèse, comme ils avaient coutume de faire, mais encore la Thessalie et la Macédoine.




CHAPITRE XIV.


Conquêtes de Philippe dans l’Étolie. — Il passe l’Achéloüs, se rend maître d’Itorie, de Péanion, d’Élée. — Il retourne en Macédoine pour en chasser les ennemis.


Ces nouvelles firent sentir à Philippe que ce serait lui qui porterait la peine de l’ignorance et de l’ambition des Épirotes. Il continua cependant le siége d’Ambracie. Il fit élever des chaussées, et pressa les habitans avec tant de vigueur, que la peur les saisit, et qu’au bout de quarante jours ils capitulèrent. La garnison, qui était de cinq cents Étoliens, fut mise hors de la citadelle, avec assurance qu’il ne lui serait fait aucune insulte, et la citadelle même, Philippe la donna aux Épirotes, et contenta ainsi leur passion. Il se mit aussitôt en marche par Charadre, dans le dessein de traverser le golfe Ambracien, qui est fort proche du temple des Acarnaniens, appelé Action. Ce golfe vient de la mer de Sicile, entre l’Épire et l’Acarnanie. Son entrée est très-étroite, à peine a‑t‑elle cinq stades de largeur. Plus avant dans les terres, il est large de cent stades, et long de trois cents en comptant depuis la mer. Il sépare l’Épire de l’Acarnanie, ayant celui‑là au septentrion et celle‑ci au midi. Philippe fit passer le golfe à son armée, traversa l’Acarnanie, y grossit son armée de deux mille hommes de pied acarnaniens et de deux cents chevaux, et alla se retrancher devant Phoétée, ville d’Étolie. En deux jours, il avança tellement les ouvrages, que les habitans effrayés se rendirent à composition. Ce qu’il y avait d’Étoliens dans la garnison sortit sain et sauf. La nuit suivante, cinq cents Étoliens vinrent au secours de la ville, ne sachant pas qu’elle eût été prise. Philippe, qui avait pressenti leur