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POLYBE, LIV. XII.

droit d’Italie qu’ils occupent aujourd’hui, ces peuples avaient à la tête de leurs sacrifices, un de leurs plus nobles et de leurs plus illustres citoyens. Les Locriens, qui n’avaient reçu de leurs pères aucune loi sur les sacrifices, prirent des Siciliens cette coutume, comme la plupart des autres de la même nation, et l’ont depuis toujours gardée, avec ce changement néanmoins, qu’au lieu d’un jeune homme, c’est une jeune fille qui est Phialéphore, parce que chez eux la noblesse vient des femmes.

Ils ajoutent qu’ils n’ont aucune alliance avec les Locriens de Grèce, et qu’ils n’ont pas ouï dire qu’ils en aient jamais eu ; au lieu qu’ils savent par tradition qu’ils en avaient avec les Siciliens. Ils disent même la manière dont on s’y prit pour traiter avec ce peuple, qui est qu’en arrivant dans le pays, les Siciliens épouvantés n’ayant pu se défendre de les recevoir, les Locriens leur jurèrent qu’ils vivraient de bonne amitié avec eux, et que le pays serait commun aux deux nations, « tant qu’ils marcheraient sur cette terre et qu’ils porteraient des têtes sur les épaules ; » mais qu’avant de faire ce serment ils avaient mis de la terre sous la semelle de leurs souliers, et sur leurs épaules des têtes d’ail qui ne paraissaient point, et qu’ayant ensuite secoué la terre de leurs souliers et les têtes d’ail de dessus leurs épaules, ils avaient, à la première occasion qu’ils avaient crue favorable, chassé les Siciliens de cette contrée. (Dom Thuillier.)


Timée le Tauroménitain dit dans le ixe livre de son Histoire (nom que Polybe donne ironiquement dans son xiie livre à l’ouvrage de cet écrivain) : « Ce n’était pas autrefois chez les Grecs un usage héréditaire que de se faire servir par des esclaves achetés ; » et il écrit aussi : « On blâmait hautement Aristote, et l’on disait qu’il avait été entièrement induit en erreur dans son traité sur les coutumes des Locriens. En effet, par les lois de ce peuple, il n’est pas même permis d’avoir des esclaves. » (Athenæi Deipnos., lib. vi, c. 18 et 20.)


Deux sortes de faussetés à distinguer dans une histoire.


Timée dit que comme une règle ne laisse pas d’être règle et de mériter ce nom, quoiqu’elle soit ou trop courte ou trop étroite, pourvu qu’elle soit droite ; et qu’au contraire on doit l’appeler de tout autre nom lorsqu’elle manque de cette propriété qui lui est essentielle, il en est de même de l’histoire. Que le style n’en soit pas tel qu’il devrait être, que la disposition en soit défectueuse, qu’elle pèche en quelque autre des parties qui lui sont propres ; si l’on s’y est appliqué à rapporter la vérité, tous ces défauts n’empêchent pas que le nom d’histoire ne lui soit donné à juste titre ; mais elle est indigne de ce nom lorsque la vérité ne s’y trouve pas. Pour moi, je suis persuadé que la vérité est ce qu’un historien doit principalement avoir en vue. J’ai dit même quelque part dans cet ouvrage, qu’une histoire sans vérité était comme un animal sans yeux, parfaitement inutile. Mais je crois en même temps que l’on doit distinguer deux sortes de faussetés, l’une qui vient de l’ignorance de la vérité, l’autre qui se dit de propos délibéré ; que celle-ci est la chose du monde la plus odieuse et la plus haïssable, mais qu’il faut excuser

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