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POLYBE, LIV. XII.

tables et la disposition scénique d’un lieu. Il affirme ensuite que les seules recherches nécessaires à la construction de l’histoire demandent plus de travaux que la composition des morceaux oratoires ; il ajoute que, pour son propre compte, il a supporté de si grands frais, et s’est soumis à tant de fatigues pour réunir les mémoires de quelques auteurs, et faire des recherches sur les mœurs des Ligures, des Gaulois et des Ibères, qu’on ne le croirait pas s’il en faisait le récit. Néanmoins, que répondrait-il, si un de ces historiens lui posait ces questions : Est-il plus coûteux et plus pénible de rester tranquillement dans une ville, occupé à recueillir des livres et à rechercher des détails sur les coutumes des Ligures et des Gaulois, que de parcourir soi-même de nombreuses contrées, et de voir tout de ses propres yeux ? N’est-ce pas différent, ou d’avoir entendu le récit des combats sur terre et sur mer, le récit des siéges, de la bouche de ceux qui y ont assisté, ou bien d’avoir été soi-même au nombre des acteurs de ces terribles travaux de la guerre ? Car je ne pense pas qu’il existe entre des édifices véritables et leur représentation scénique, ni entre le genre historique et le genre démonstratif, autant de différence qu’il y en a, dans toute composition, entre celui qui raconte sans une connaissance personnelle, jointe à une expérience éclairée, et celui qui écrit sur des traditions. Les hommes inhabiles se figurent que rien n’est plus facile pour les historiens que de recueillir des mémoires et d’apprendre de ceux qui savent la masse des faits ; mais c’est encore une erreur dans laquelle doivent nécessairement tomber les gens inhabiles. Car comment pourrait-il se faire qu’ils interrogeassent convenablement sur les combats de terre et de mer, ainsi que sur les siéges des villes ? Et d’ailleurs, comment comprendraient-ils le détail de tant de choses, eux qui sont dans l’ignorance complète de ces matières ? Souvent il arrive que la manière même d’interroger devient d’un puissant secours à celui qui raconte, et il suffit d’une insinuation pour conduire à travers tous les faits celui qui en a été témoin. L’homme inhabile, au contraire, ne sait point consulter ceux qui ont vu les événemens antérieurs, et ne sait pas même comprendre les faits accomplis de son temps ; car, quoiqu’il y assiste, il en est en quelque sorte absent. (Angelo Mai, Script. veter. nova collectio, Romæ, 1827 ; Jacob. Geel, in-8o, 1829.)