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POLYBE, LIV. XVII.

même même dans cette pensée, lorsque, s’appprochant, il pria le consul de lui permettre d’avoir avec lui une conférence particulière, de peur que les ambassadeurs de ces deux peuples n’employassent le temps en paroles inutiles, et afin que l’on terminât enfin les contestations. Comme il demandait ce tête-à-tête avec beaucoup d’empressement, Flaminius consulta ceux qui étaient présens sur ce qu’il devait faire. On lui conseilla d’accorder au roi cet entretien et d’écouter ses propositions. Il prend donc avec lui Appius Claudius, alors tribun, dit aux autres de s’éloigner un peu de la mer et de rester là, et à Philippe de descendre à terre. Le roi descendit avec Apollodore et Démosthène, joignit Flaminius et conféra long-temps avec lui. Ce qui se dit là de part et d’autre, il serait difficile d’en instruire les lecteurs. Mais quand Flaminius eut rejoint les autres ambassadeurs, il leur dit que Philippe rendrait Pharsale et Larisse aux Étoliens, mais non pas Thèbes ; aux Rhodiens, la Pérée, mais qu’il garderait Iasse et Bargyle ; aux Achéens, Corinthe et Argos ; aux Romains, la côte d’Illyrie et tous les prisonniers qu’il avait faits sur eux, et au roi de Pergame, ses vaisseaux et tout ce qu’il avait de prisonniers. Tous rejetèrent une paix faite à ces conditions, et dirent qu’il fallait que Philippe commençât par exécuter ce que toute l’assemblée avait ordonné, c’est-à-dire qu’il se retirât de toute la Grèce ; que, sans cela, tout ce qu’il accordait à chacun en particulier ne serait point écouté et n’aurait aucun effet. Le roi voyant que la dispute s’échauffait, et craignant d’entendre les accusations qu’on lui préparait, pria le consul d’indiquer une troisième conférence pour le lendemain, car il se faisait tard, et il persuaderait à l’assemblée d’accepter ses propositions, ou se laisserait persuader de se rendre aux conditions qu’on lui imposerait. Flaminius y consentit ; on convint de se réunir sur le rivage à Thronie, et on se sépara.

Le jour suivant, tous se trouvèrent de bonne heure au lieu marqué. Philippe, après un petit discours, pria tous les ambassadeurs, et surtout le consul, de ne pas interrompre la négociation, puisque la plupart penchaient à la paix, et qu’ils tâchassent de s’accorder par eux-mêmes sur les sujets de contestation ; que si cela ne se pouvait pas, qu’il dépêcherait des ambassadeurs au sénat, et qu’il en obtiendrait ce qu’il souhaitait, ou qu’il en passerait par tout ce qui lui serait commandé. L’assemblée fut partagée sur cette proposition. Les uns furent d’avis que l’on reprît les armes, et qu’on n’eût aucun égard aux prières du roi. Flaminius dit qu’il savait que Philippe ne ferait rien de ce qu’on exigeait de lui ; qu’il n’y avait même nulle apparence qu’il en fit rien ; mais qu’après tout la faveur qu’il souhaitait ne faisant aucun tort aux affaires, on devait la lui accorder : que d’ailleurs on ne pouvait rien statuer sur les articles proposés sans l’autorité du sénat ; que la saison y était propice et donnait tout le temps nécessaire pour sonder ses intentions ; que les armées pendant l’hiver ne pouvaient entrer en campagne ; qu’ainsi, en employant cette saison à informer le sénat de l’état présent des affaires, loin d’en reculer le succès, on l’avancerait beaucoup. Comme Flaminius, par ce discours, faisait voir que son intention était qu’on instruisît le sénat de ce qui se passait, tous les suffrages se réunirent bientôt à son opinion, et on conclut qu’il serait permis à Philippe d’envoyer à Rome des ambassadeurs. On convint aussi qu’il en irait de la part de tous les autres