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ville que pour les marchés ; et les tribuns profitaient de cette occasion pour les entretenir des affaires de la république. Dans la suite, leur commerce avec les Asiatiques corrompit les mœurs, introduisit le luxe dans Rome, et les assujettit aux vices d’un peuple qu’ils venaient de soumettre à leur empire.




CHAPITRE VIII.


Seconde guerre punique. — Annibal franchit les Pyrénées et les Alpes. Combat de cavalerie près du Tesin. Bataille de la Trebbia. Bataille du Thrasymène. Sage conduite de Fabius. Bataille de Cannes. Bataille du Métaure. Bataille d’Ilinga. Bataille de Zama.


Il s’était écoulé vingt et un ans depuis la première guerre punique, et Carthage, qui, malgré la victoire si brillante de Xanthippe, n’avait pu se relever entièrement des premiers coups portés à sa puissance, commençait à sentir l’humiliation des traités.

Amilcar, capitaine expérimenté, se préparait à porter la guerre en Italie, après avoir subjugué l’Espagne dont il espérait tirer de grandes ressources, lorsque la mort arrêta ses desseins. Ce général avait conduit son expédition avec tant de succès et d’intelligence, que son gendre, ne faisant que suivre le plan qu’il lui traçait, éveilla la vigilance inquiète de la république romaine. Asdrubal ne se croyant pas encore assez fort, jugea qu’il fallait se montrer prudent ; il consentit à ne pas traverser l’Èbre.

Cette condescendance servit du moins à l’affermissement de ses conquêtes ; et lorsque Annibal, fils d’Amilcar et beau-frère d’Asdrubal, prit le commandement des troupes, il trouva une province soumise et affectionnée, une armée nombreuse et aguerrie. Ces éléments de puissance entre les mains d’un homme dont le génie manifestait déjà de grands talens militaires, indiquaient assez que la lutte allait recommencer entre les deux peuples rivaux.

Asdrubal avait soumis tout ce qui compose actuellement l’Andalousie, le royaume de Murcie et celui de Grenade. La colonie de Carthagène devenait le centre des forces carthaginoises, c’était pour les troupes un point de rassemblement. Cette province, vaste, riche, bien peuplée, ne parut pas encore suffisante pour l’entreprise que projetait Annibal sur les traces de son père ; il désirait augmenter ses ressources, et parvint à soumettre la Castille et le royaume de Valence dans l’espace de trois ans. Ce plan d’opérations l’obligeait de conquérir Sagonte ou de la détruire ; car il ne pouvait laisser aux Romains une place d’armes et un allié puissant dans le pays qu’il allait quitter.

Sagonte, située sur la rive droite de l’Èbre, et assez loin de ce fleuve, était comprise dans les limites de la convention d’Asdrubal. Toutefois les Romains ayant prétendu qu’on avait pris l’engagement de respecter les alliés de la république, ils regardèrent le siége de Sagonte comme un acte d’hostilité.

Mais pourquoi ne pas voler au secours de cette ville, et sauver des alliés dont le courage inflexible aurait du faire rougir Rome de ses lenteurs ? Les habitans de Sagonte, après huit mois d’une résistance héroïque, prenant la résolution de s’ensevelir sous des ruines, méritaient bien que la fortune, qui se déclare si souvent pour les braves, ne trahit pas leur grand cœur.

Si les légions romaines, au lieu d’aller combattre Démétrius de Pharos, (expédition peu importante qui pouvait facilement être remise), eussent passé en Espagne, le théâtre de la guerre ne