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l’empereur Auguste, cette voie romaine devînt praticable même pour les chars. Une ancienne tradition portait qu’Hercule le Thébain était entré en Italie par ce passage, à la tête d’une armée composée de nations grecques.

Ce chemin, bien connu des Gaulois, était peut-être le seul que pouvaient lui indiquer avec certitude ceux qui se joignirent à l’armée d’Annibal pour lui servir de guide ; à moins qu’on ne suppose que cet habile général fût assez imprévoyant pour errer à l’aventure avec une armée de cinquante mille hommes, et se frayer une route qui n’existait pas avant lui.

C’est ce qui pourrait résulter du récit de Tite-Live, qui, défigurant partout la belle histoire de Polybe, et après avoir amoncelé sur les pas de l’armée carthaginoise des difficultés et des périls auprès desquels les travaux d’Hercule sont des bagatelles, la jette tout-à-coup contre un rocher de mille pieds de hauteur, et ne trouve ensuite d’autre expédient pour la sortir de ce pas dangereux, que de faire dissoudre ce rocher avec du vinaigre.

La grande perte d’Annibal provient principalement de deux attaques très sérieuses de la part des montagnards que la vue des bêtes de somme avait excité au pillage ; car ses troupes, obligées de défiler sur une ligne de plus de cinq lieues, étaient hors de portée de les protéger.

L’éboulement récent d’une partie du chemin lui devint encore fatal à la descente des Alpes. Les soldats ayant voulu s’obstiner à franchir un endroit impraticable, un grand nombre d’entre eux périt dans cette tentative. Sans ces incidens, qui ne dépendent point des difficultés naturelles des lieux, l’armée serait arrivée sans perte en Italie.

Annibal assembla ses troupes, et se mit en marche depuis Carthagène, vers le commencement de la maturité des blés ; ce qui correspond à la fin de mai pour les parties méridionales de l’Espagne. (Ans 555 de Rome ; 218 avant notre ère.) Son armée consistait en quatre-vingt-dix mille hommes d’infanterie, et environ douze mille de cavalerie. Avant d’atteindre les Pyrénées, elle fut réduite à cinquante mille hommes d’infanterie et neuf mille chevaux, parce qu’il avait jugé nécessaire de laisser en Espagne un fort détachement. Avec ces troupes, il franchit les Pyrénées et entra dans la Gaule.

En Espagne, la route qu’Annibal dut suivre longe constamment les bords de la mer. Elle passe à Valence ; traverse l’Èbre à Tortose. Depuis Barcelone, elle s’écarte de la mer par Girone, et se retrouve sur le rivage à Ampurias. C’est depuis cette ville que l’on monte les Pyrénées pour traverser le col de Pertus, sous la forteresse de Bellegarde, entre la Junquera et le Boulou. La route continue ensuite par Elne, Castel-Roussillon, Salus, La Palme, Narbonne, Béziers, Saint-Thiberi, Meze, Gigean, Soustantion, Uchaut, Nismes.

Depuis cette ville, la voie Romaine descendait pour traverser le Rhône vis-à-vis d’Arles, et remontait ensuite à Cavaillon sur la Durance ; mais à Nismes, Annibal quitta cette direction, et passa le Rhône près de Roquemaure.

Quelques Gaulois s’assemblèrent au pied des Pyrénées ; Annibal envoya inviter leurs petits rois à venir dans son camp. Il les caressa, leur fit des présens, et acquit leur bienveillance.

De là jusqu’au bord du Rhône, on ignore ce qui lui arriva. Toutes ces contrées étaient inconnues des Romains ; mais le cours du fleuve avait été exploré par les Massiliens alliés de Rome. Voilà pourquoi on ne nous a compté des faits