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POLYBE, LIV. XXII.

Les armes contre vous, et que vous ne paraissiez négliger ou mépriser ceux qui toujours vous ont été constamment attachés. En toute autre occasion je céderai sans disputer à quiconque voudra l’emporter sur moi ; mais en amitié et en affection pour vous, autant que je pourrai, jamais je ne céderai à personne. Mon père, s’il vivait, vous parlerait dans les mêmes sentimens. Il fut le premier, entre les Asiatiques et les Grecs, qui rechercha votre amitié et votre alliance ; jusqu’au dernier moment de sa vie il s’est conservé dans l’une et dans l’autre, Et ce n’était pas une simple disposition du cœur. Vous n’avez pas fait de guerre dans la Grèce où il ne soit entré. Pas un de vos alliés ne vous a plus fourni de troupes de terre et de mer, plus de vivres, plus de munitions ; pas un ne s’est exposé à de plus grands dangers. Enfin sa vie même il la perdit pour vous, puisqu’il mourut pendant qu’il tâchait d’attirer les Béotiens dans son parti. Héritier de son royaume, j’ai aussi succédé à ses sentimens pour les Romains. Je ne puis vous aimer plus que lui, il n’est pas possible de le surpasser en ce point ; mais j’ai fait pour vous plus qu’il n’a fait, parce que les conjonctures ont mis ma constance à de plus grandes épreuves. Quoique Antiochus m’eût pressé de prendre sa fille en mariage, m’eût promis de me faire part de tout ce qui lui appartenait ; quoiqu’il me livrât sur-le-champ toutes les villes qui avaient été démembrées de mon royaume et qu’il me promît de tout entreprendre dans la suite pour moi si je me joignais avec lui contre vous, cependant j’ai été si éloigné de rien accepter de tout ce qu’il m’offrait, que je lui ai fait la guerre avec vous ; que je vous ai amené, par terre et par mer, plus de troupes qu’aucun de vos autres alliés ; que je vous ai secourus de plus de munitions, et dans les temps où vous en aviez le plus grand besoin ; que, sans hésiter, je me suis jeté, avec vos généraux, dans les plus grands périls, et qu’enfin, par amitié pour votre peuple, je me suis vu enfermé et assiégé dans ma capitale, au risque de perdre ma couronne et la vie. Plusieurs d’entre vous, pères conscrits, ont été témoins oculaires de ces faits, et il n’est personne dans cette assemblée qui les ignore. Il est donc juste que vous preniez mes intérêts avec autant de chaleur que j’ai pris les vôtres. Eh ! ne serait-il pas étrange que Massinissa, qui avait été votre ennemi, et qui s’était sauvé dans votre camp avec quelques cavaliers, pour vous avoir été fidèle pendant une guerre contre les Carthaginois, ait été fait roi de la plus grande partie de l’Afrique ; que Pleurate, qui n’a jamais rien fait pour vous, ait été, pour une raison semblable, rendu le plus puissant de tous les princes d’Illyrie ; et que vous n’ayez aucun égard pour moi, après les grands et mémorables exploits que nous avons faits, mon père et moi, pour vous secourir ? Quel est enfin le but de ce discours, et que souhaité-je de vous ? Je vous le dirai franchement, puisque vous le voulez ainsi. Si vous avez dessein de retenir quelques-unes des places de l’Asie qui sont en deçà du mont Taurus, et qui ci-devant obéissaient à Antiochus, rien ne me fera plus de plaisir que de vous y voir ; vous ayant pour voisins, et surtout participant à votre puissance, je régnerai tranquillement et je croirai mon royaume à couvert de toute insulte. Mais si vous ne voulez rien