Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/913

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
905
POLYBE, LIV. XXIV.

voir que le sénat avait jeté les yeux sur Titus pour l’envoyer auprès de Prusias et de Séleucus. Il comptait que ce Romain, auprès de qui il avait un libre accès pendant la guerre de Lacédémone, et qu’il aimait autant qu’il aimait peu Philopœmen, réglerait, en passant par la Grèce, les affaires de Messène, selon les vues qu’il voudrait et qu’il aurait soin de lui inspirer. Il lui faisait donc assidûment sa cour, et fondait sur lui toutes ses espérances. Ce Messénien était né courtisan et soldat, et en faisant l’un et l’autre métier, il s’y était perfectionné. À ne juger de lui que par les apparences, on l’aurait cru propre aux affaires d’état ; mais on se serait trompé ; il n’avait de la grande science de gouverner qu’une superficie très-méprisable. À la guerre, il se distinguait par son activité et sa hardiesse, et sortait glorieusement d’un combat singulier. Dans la conversation, il était vif et intéressant ; et dans la société, complaisant, civil et sensible à l’amitié. Mais quand il s’agissait des affaires d’état, où il fallait des réflexions, prévoir l’avenir, se précautionner et persuader la multitude, c’était l’homme du monde le plus inepte. Quoiqu’il vit sa patrie dans de grands maux, dont il était la première cause, il ne remua pas pour l’en délivrer. Sans penser aux suites qu’ils pouvaient avoir, il suivit toujours le même train de vie, et ne discontinua pas de donner tout le jour à l’amour, au vin et à la musique. Un mot de Titus l’obligea de se distraire un peu de ses plaisirs, pour faire attention à l’état où était sa patrie. Un jour, ce Romain l’ayant aperçu dans un repas, dansant en robe traînante, ne lui en fit pas sur-le-champ des reproches ; mais le lendemain, Dinocrate l’étant venu trouver pour lui demander quelque chose en faveur du pays : « Je ferai tout mon possible, lui répondit Titus ; mais je m’étonne qu’après avoir suscité aux Grecs des affaires si fâcheuses, vous puissiez danser dans des festins. » Ce mot le fit rentrer en lui-même, et lui apprit que le gouvernement ne convenait ni à sa façon de vivre, ni à son caractère. Au reste, il était venu alors avec Titus dans la Grèce, persuadé qu’incessamment les affaires des Messéniens allaient être réglées à son gré. Philopœmen les attendit sans s’inquiéter, parce qu’il savait, à n’en pouvoir douter, que Titus, sur les affaires de la Grèce, n’avait aucun ordre de la part du sénat. Quand ils eurent pris terre à Naupacte, Titus écrivit au prêteur et aux autres membres du conseil des Achéens de s’assembler. On lui fit réponse qu’on attendait, pour convoquer la multitude, qu’il mandât quelle affaire il avait à communiquer ; que c’était une condition sans laquelle les lois ne permettaient pas d’assembler le conseil pour lui. Par là Philopœmen fit tomber toutes les espérances de Dinocrate et des anciens bannis, et rendit inutile l’arrivée de Titus, qui n’osa supposer des ordres qu’il n’avait pas reçus. (Vertus et Vices.) Dom Thuillier. (Præsertim Excerpta Valesiana.) Schweigh.


III.


Philippe sort des villes grecques de la Thrace. — Expédition de ce prince contre les Barbares.


Dès que Quintus Marcius fut arrivé dans la Macédoine, Philippe, à la vérité, sortit de toutes les villes de Thrace où des Grecs s’étaient établis et en retira les garnisons ; mais ce ne fut pas sans regret et sans chagrin qu’il se vit obligé de se dépouiller ainsi lui-même. Il eut dans tout le reste la même soumission pour les ordres des Ro-