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guerre des Gaules. — liv. i.

que le mauvais succès du combat de sa cavalerie, arrivé il n’y a que peu de jours, venait de la fuite de Dumnorix, qui avait donné lieu à celle des autres, parce qu’il commandait les troupes de sa nation.

19. Ces soupçons étaient appuyés de preuves certaines, que c’était lui qui avait ouvert aux Suisses un passage par la Franche-Comté, qu’il les avait engagés à se donner des otages, et qu’il avait fait tout cela, non-seulement sans ordre de sa république ni de César, mais à leur insu. César crut donc que cette accusation du magistrat le mettait en droit de châtier lui-même Dumnorix, ou de le renvoyer en son pays pour y être puni. Une seule chose retenait César. Il connaissait le grand attachement de Divitiacus, son frère, pour le peuple romain et pour lui ; sa fidélité parfaite, sa justice, sa modération ; et il craignait de l’offenser par le supplice de Dumnorix. Avant donc de passer outre, il fait venir Divitiacus, et, sans autre interprète que Valérius Procillus, l’homme le plus distingué de toute la Gaule Narbonnaise, et en qui il se fiait entièrement, il le fait souvenir de ce qu’on avait dit de son frère dans l’assemblée et en sa présence, l’instruit de ce qu’on en avait dit en particulier, et le prie de ne pas trouver mauvais que sa ville ou lui, après avoir instruit son procès, prononce sur son sort.

20. Divitiacus tout en larmes l’embrassa, et le pria de pardonner à son frère ; ajoutant qu’il savait bien que tout ce qu’on lui avait dit de Dumnorix était vrai ; que personne n’en était plus affligé que lui, qui, ayant du crédit dans son canton et dans le reste de la Gaule, tandis que ce jeune frère n’en avait point du tout, avait contribué à son élévation ; que Dumnorix employait son crédit, non-seulement pour diminuer le sien, mais encore pour le perdre ; que malgré cela l’amour fraternel et l’estime publique touchaient son cœur ; que si César punissait Dumnorix, personne, à cause de la bienveillance dont il l’honorait, ne pourrait croire que ce fût contre sa volonté, et qu’il serait odieux à toute la Gaule. César, touché de ses raisons et de ses larmes, lui prend la main et le rassure en lui disant qu’il fait tant de cas de son amitié, qu’en sa faveur il pardonne à son frère, non-seulement ses propres injures, mais encore celles qu’il avait faites à la république. Sur cela il fait venir Dumnorix, et, en présence de son frère, lui déclare les sujets de plainte qu’il avait donnés tant aux Romains qu’à ses propres citoyens, et l’exhorte à se conduire de manière qu’il ne laisse à l’avenir aucun soupçon : il lui dit qu’il lui pardonne le passé en considération de Divitiacus, après quoi il le renvoie ; mais il fait pourtant épier ses discours et ses actions.

21. Le même jour, il fut averti que l’ennemi était campé à huit milles de lui au pied d’une montagne ; il la fit reconnaître. On lui rapporte que la pente en était douce et aisée : sur cela, après minuit, il détache T. Labiénus avec deux légions, lui donne pour guides ceux qui avaient été la reconnaître, l’instruit de son dessein et le charge de se poster sur le haut de cette montagne. Deux heures après il marche aux ennemis par le même chemin qu’ils avaient suivi, et envoie devant toute sa cavalerie. P. Considius, qui avait fait la guerre sous Sylla et ensuite sous Crassus, et qui, pour cette raison, passait pour très-habile officier, eut la conduite des coureurs.

22. Au point du jour, lorsque Labiénus s’était rendu maître du haut de la montagne, et que César n’était qu’à

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