Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 3, 1840.djvu/269

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l’armée de Labiénus et de Pétreius : après leur réunion, ils campèrent ensemble, ainsi que toutes leurs forces, à une lieue environ de cette place. Cependant leurs cavaliers se répandent autour des retranchemens de César et enlèvent ceux qui en sortent pour aller au fourrage ou pour faire de l’eau. Par là ils obligent nos troupes à rester dans leur camp ; ce qui bientôt y mit la disette ; car il n’avait point encore reçu de convois de Sicile ni de Sardaigne, et par suite de la mauvaise saison l’on ne pouvait sans péril se mettre en mer ; et César n’avait pas plus de deux lieues de tour où il pût s’étendre pour fourrager, circonstance qui augmentait l’embarras de sa position. Dans cette extrémité, les vétérans et les cavaliers qui avaient long-temps fait la guerre sur terre et sur mer, et s’étaient souvent trouvés en butte à une pareille famine, ramassaient, au bord de la mer, de l’algue qu’ils lavaient dans de l’eau douce, et ils en nourrissaient leurs chevaux.

25. Cependant, instruit des obstacles qu’éprouvait César, et du petit nombre de ses troupes, le roi Juba ne crut point devoir lui donner le temps de se remettre et d’augmenter ses forces. En conséquence, il sort de ses états avec une cavalerie et une infanterie considérables, et marche au secours de ses alliés. D’un autre côté, P. Sitius et le roi Bogud, apprenant son départ, réunissent leurs drapeaux, entrent dans son pays, assiègent Constantine, la plus riche de ses villes, et l’emportent au bout de quelques jours, ainsi que deux autres places de la Gétulie. Ils avaient offert aux habitans de ces deux dernières la liberté de sortir en leur livrant leurs villes ; mais sur leur refus, on les prit d’assaut, et tout fut passé au fil de l’épée. De là ils allèrent dévaster la campagne et désoler les villes. Averti de ces ravages au moment où il était près de joindre Scipion et les autres chefs confédérés, Juba tint conseil, et jugea plus convenable d’aller au secours de son propre pays que de courir les risques d’en être chassé, sans pouvoir peut-être réussir à porter assistance aux autres. Craignant donc pour lui-même et pour ses propres foyers, il se retire une seconde fois, et en vient jusqu’à emmener avec lui les troupes qu’il avait envoyées à Scipion, lui laissant seulement trente éléphans ; de là il part au secours de ses frontières et de ses places.

26. Informé que, dans le pays, on doutait de son arrivée, et que personne ne le croyait à la tête de ses troupes, qu’on supposait n’être venues en Afrique qu’avec un de ses lieutenans, César envoie partout des courriers et des lettres, pour avertir les villes de sa présence. Alors plusieurs personnes distinguées de la province, abandonnant leurs demeures, vinrent le trouver dans son camp, et lui firent le tableau de la conduite indigne et de la cruauté de ses ennemis. Jusqu’alors il s’était tenu tranquille dans ses retranchemens ; mais, touché de leurs larmes et de leurs plaintes, il résolut de se mettre en campagne, dès le retour du beau temps, et lorsque toutes ses forces seraient rassemblées. En conséquence, il écrivit de suite en Sicile à Rabirius Postumus et Alliénus, auxquels il dépêcha ses lettres par une barque légère, leur mandant que sans délai, et sans penser à s’excuser sur la mauvaise saison ou sur les vents contraires, ils lui envoyassent le reste de ses troupes ; sinon c’en était fait de l’Afrique. Ses ennemis la détruisaient de fond en comble ; que si l’on n’y apportait un prompt remède, il n’y resterait pas une