Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 3, 1840.djvu/326

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pluies enflent les torrens, le soldat qui ne sait pas nager, enfermé entre l’ennemi et le torrent se trouve dans un double péril. C’est pourquoi les anciens Romains, qu’une infinité de guerres et de dangers avaient perfectionnés dans l’art militaire, placèrent le Champ-de-Mars près du Tibre, afin que les jeunes gens, couverts de sueur et de poussière après leurs exercices, pussent se laver et se nettoyer aussitôt, et se délasser ainsi, en nageant, des fatigues de la course.

Il est donc essentiel d’accoutumer a cet exercice, non-seulement les gens de pied, mais encore les cavaliers, les chevaux les valets même, afin qu’aucun d’eux ne se perde, faute de savoir nager dans le besoin.


CHAPITRE XI.
Comment les anciens exerçaient les nouveaux soldats au pieu et au maniement des armes.

L’exercice du pieu, comme on le voit dans les écrits des anciens, était très-propre à façonner les nouveaux soldats. On leur donnait le bouclier rond d’osier qui pesait le double de ceux dont on se servait à la guerre, et dès armes de bois une fois plus lourdes que l’épée dont elles tenaient lieu. Avec ces espèces de fleurets, on les faisait escrimer le matin et l’après midi contre le pieu. Cet exercice ne fut pas moins utile aux gladiateurs qu’aux soldats, et les uns et les autres ne se distinguèrent jamais dans le cirque et sur le champ de bataille, qu’après cette précaution. Chaque soldat plantait son pieu de façon qu’il tint fortement, et qu’il eût six pieds hors de terre ; et c’est contre cet ennemi qu’il s’exerçait, tantôt lui portant son coup au visage ou à la tête, tantôt l’attaquant par les flancs, et quelquefois se mettant en posture de lui couper les jarrets, avançant, reculant et tâtant le pieu avec toute la vigueur et l’adresse que les combats demandent. Les maîtres d’armes avaient surtout attention que les soldats portassent leurs coups sans se découvrir.

Il faut aussi que les nouveaux soldats apprennent des maîtres d’armes l’exercice qu’on nomme le maniement des armes, et dont on fait encore quelque usage tous les jours, l’expérience démontre qu’on tire plus de service, dans les batailles, des soldats qui savent l’escrime que des autres. Les anciens étaient si persuadés de l’utilité de cet exercice, qu’ils, donnaient double ration aux maîtres d’armes. Les soldats qui n’avaient pas bien profité des leçons recevaient leur ration en orge, et on ne la leur rendait en blé que lorsqu’ils avaient fait preuve de leur capacité, en présence des tribuns et des autres officiers de la légion.

Rien n’affermit davantage le bonheur et la gloire d’un état, qu’un grand nombre de militaires bien instruits ; ce ne sont pas en effet des habillemens chargés d’or, d’argent, de pierreries, qui nous feront respecter ou rechercher de nos ennemis, c’est là terreur de nos armes.

En beaucoup d’occasions, dit Caton, les fautes sont réparables ; mais à la guerre, la punition les suit de trop près pour qu’on ait le temps de les réparer. Une partie de ceux qui ont manqué de courage, ou qui n’ont pas su se battre demeurent sur le champ de bataille, et les autres, une fois épouvantés, ne se croient plus dignes de disputer la victoire à leurs vainqueurs.