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guerre des Gaules. — liv. ii.

combattre ; leur grand nombre et la bonne opinion qu’on avait de leur valeur l’en détournaient. Il se contentait de les tâter tous les jours en risquant de légères escarmouches, soit pour essayer ce dont ils étaient capables, soit pour éprouver nos propres troupes. Lorsqu’il vit que les nôtres ne leur cédaient en rien, il rangea son armée en bataille à la tête de son camp, parce que le lieu était très-propre et très-avantageux pour un tel plan. C’était une colline qui s’élevait en pente douce, ayant dans la partie qui regardait l’ennemi, toute la largeur nécessaire pour contenir ses troupes en bataille : des deux côtés elle se terminait également en pente, se présentait en bosse sur le devant, et redescendait à peu près vers la plaine. Sur la droite et sur la gauche de cette colline, il fit faire un grand retranchement d’environ quatre cents pas, qu’il garnit de forts à chaque extrémité, où il mit des machines à dessein d’empêcher la multitude des ennemis de l’investir, lorsqu’il serait engagé dans action. Ces précautions prises, il laissa dans son camp ses deux nouvelles légions pour s’en servir en cas de besoin, et il rangea les six autres en bataille. De son côté, l’ennemi en fit autant.

9. Il y avait un petit marais entre les deux armées, et chacun attendait que l’autre le passât, pour commencer l’attaque avec avantage ; la cavalerie escarmouchait en attendant. Aucun ne voulant hasarder le passage, César, après un succès obtenu par sa cavalerie, fit rentrer son armée dans le camp. Alors l’ennemi se dirigea aussitôt vers la rivière d’Aisne, qui était derrière nous, comme il a été dit, et s’efforça de la faire passer à gué par une partie des siens, afin d’attaquer le fort que gardait Q. Titurius Sabinus, et de rompre le pont : s’ils ne pouvaient y réussir, ils devaient ravager les terres des Rhémois, qui nous étaient fort utiles dans cette guerre, et nous fournissaient des vivres.

10. Informé de cette marche par Titurius, César passa le pont avec toute sa cavalerie, ses frondeurs et ses gens de trait, et vint les attaquer. L’action fut vive dans cet endroit, car les nôtres les attaquèrent pendant qu’ils étaient embarrassés dans le passage, et en firent un grand carnage ; ceux qui eurent le courage de passer par-dessus les corps morts de leurs compagnons furent repoussés à coups de traits. Les premiers passés furent enveloppés par la cavalerie et taillés en pièces. Les ennemis se voyant déchus de l’espérance de prendre Fismes, de passer l’Aisne et de nous attirer au combat dans un lieu désavantageux, et s’apercevant que les vivres commençaient à leur manquer, tinrent conseil et décidèrent que le meilleur parti à prendre était de se retirer chacun chez eux, en s’engageant d’accourir de toutes parts au secours du premier attaqué : qu’il leur serait plus favorable de faire la guerre chez eux, où ils avaient leurs troupes et des vivres à commandement, que chez autrui où tout leur manquait. Une autre raison qui les détermina fut la nouvelle de l’arrivée de Divitiacus et des Autunois sur la frontière de ceux de Beauvais, auxquels on ne put persuader d’attendre plus long-temps le moment de secourir leur pays.

11. Cette résolution prise, ils partirent tous vers neuf heures du soir, mais avec grand bruit et grand tumulte, sans garder aucun ordre, sans écouter aucun commandement, chacun prenant le premier chemin qui s’offrait et se hâtant d’arriver chez soi ; de sorte que leur retraite ressemblait plus à une fuite qu’à la marche d’une armée. César, instruit par ses coureurs de ce départ

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