Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 3, 1840.djvu/338

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Les Gaulois les Celtibériens et plusieurs autres peuples Barbares combattaient par bandes de six mille ce hommes. Les Romains ont leurs légions qui sont ordinairement fortes du même nombre de six mille, et quelquefois plus. Voyons la différence qu’il y a entre ces légions et les troupes auxiliaires.

Celles-ci sont formées d’étrangers soudoyés, qui viennent de différens pays, et en corps inégaux : rien ne les lie entre eux ; la plupart ne se connaissent pas ; chaque nation a son langage propre, sa discipline, sa façon de vivre et de faire la guerre. Il est impossible que des troupes aussi mal assorties puissent bien agir de concert dans une affaire où il est essentiel que tous les soldats se meuvent au même commandement. Des gens qui n’ont pas été dressés comme le reste de l’armée ne peuvent pas obéir également ni avec la même promptitude : cependant ces troupes étrangères ne laissent pas de devenir d’un grand secours à force d’exercices bien montrés. On les c joignit toujours aux légions dans les batailles, comme armure légère ; et si elles ne firent jamais la principale force des armées, on les comptait du moins pour un renfort utile.

Mais la légion romaine, composée de cohortes qui lui sont propres, réunit dans un même corps l’armure pesante, c’est-à-dire les princes, les hastaires et les triaires ; et les avant-enseignes, avec les légèrement armés, les férentaires, les frondeurs et les arbalétriers, sans compter la cavalerie légionnaire qui lui appartient : or, toutes ces différentes parties n’ont qu’un même esprit ; elles sont d’intelligence pour fortifier les camps, pour se mettre en bataille et pour combattre. La légion est donc en elle-même une armée entière qui, sans secours étrangers, était autrefois en possession de battre tout ce qu’on lui opposait : la grandeur des Romains en est une preuve. Avec leurs légions ils ont vaincu autant d’ennemis qu’ils ont voulu, ou que les circonstances le leur ont permis.


CHAPITRE III.
Causes de la décadence des légions.

On conserve encore aujourd’hui dans les troupes le nom de légions, mais elles se sont abâtardies, depuis que, par un relâchement qui est assez ancien, la brigue a surpris les récompenses dues au mérite, et que par la faveur on est monté au grade que le service seul obtenait auparavant. On n’a pas eu soin de mettre de nouveaux soldats à la place de ceux qui se retiraient avec congé après le temps de leur service ; on a encore négligé de remplacer les morts, les déserteurs, ceux qu’on est obligé de renvoyer pour cause d’infirmité ou de maladie ; et tout cela fait un si grand vide dans les troupes, que, si on n’est pas attentif à les recruter tous les ans et même tous les mois, l’armée la plus nombreuse est bientôt épuisée. Ce qui a encore contribué dégarnir nos légions, c’est que le service y est dur, les armes pesantes, les récompenses tardives, la discipline sévère. La plupart des jeunes gens en sont effrayés, et prennent parti de bonne heure dans les auxiliaires, où ils ont moins de peine, et des récompenses plus promptes à espérer.

Caton l’Ancien, qui avait été souvent consul, et toujours victorieux à la tête des armées, pensa qu’il deviendrait plus utile à sa patrie en écrivant sur la discipline militaire, qu’il