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César.

soldats de cesser le combat, de parer seulement les traits, de reprendre ainsi haleine, de sortir ensuite du camp au premier signal, et de n’attendre leur salut que de leur valeur.

6. Ils suivent ces ordres, et, sortant tout d’un coup du camp par toutes les portes, ils fondent sur l’ennemi sans lui donner le temps de se reconnaître, ni de se rallier. Alors le combat change de face, et ceux qui s’étaient flattés de se rendre maîtres du camp furent enveloppés et massacrés de toutes parts : aussi de trente mille au moins qu’ils étaient, on en tua plus du tiers ; les autres effrayés prirent la fuite, et n’eurent pas même le temps de gagner leurs montagnes. Ayant ainsi taillé en pièces et désarmé les ennemis, les nôtres rentrèrent dans leurs retranchemenns. Après cette victoire, Galba, qui n’avait pas dessein de tenter de nouveau la fortune, et qui voulait employer le temps de son quartier d’hiver à d’autres occupations, voyant que les vivres lui manquaient, fit mettre le feu à tout le bourg le lendemain, et partit pour la province : aucun ennemi n’arrêtant ni retardant sa marche, il traversa sans accident le haut Valais, et alla passer l’hiver en Savoie.

7. Après ces expéditions, César avait tout sujet de croire la Gaule absolument tranquille, par la défaite des Belges, l’expulsion des Allemands et la victoire remportée dans les Alpes sur les peuples du Valais ; dans cette persuasion, il partit au commencement de l’hiver pour l’Illyrie, dont il voulait visiter les nations, et connaître le pays ; mais tout d’un coup la guerre se ralluma dans la Gaule. Voici quelle en fut l’occasion. Le jeune Crassus était avec la septième légion en quartier d’hiver dans l’Anjou, proche l’Océan. Comme les vivres y manquaient, il envoya plusieurs de ses officiers dans les villes voisines pour en demander. C. Terrasidius fut dépêché à Coutance, M. Trébius Gallus à Quimpercorentin, Q. Vélanius et T. Sitius à Vannes.

8. Cette dernière ville est une des plus considérables et des plus puissantes de toute la côte, par le grand nombre de vaisseaux avec lesquels elle trafique en Angleterre, par l’habileté de ses matelots, et par la possession où elle est de tous les ports de cette côte, qui sont en petit nombre sur cette mer vaste et orageuse, au moyen desquels elle rend tributaires tous ceux qui y naviguent. Ses habitans, dans l’intention de recouvrer les otages qu’ils avaient donnés à Crassus, commencèrent les premiers à retenir T. Silius et Q. Vélanius ; et comme les Gaulois sont prompts à prendre leur résolution, leurs voisins, à leur exemple, retinrent M. Trébius Gallus et C. Terrasidius ; ensuite, s’étant en diligence envoyé des députés, ils s’engagèrent à ne rien faire que de concert, et à courir ensemble la même fortune. Ils pressèrent ensuite les états voisins de préférer la liberté qu’ils avaient reçue de leurs ancêtres à l’esclavage des Romains. Toute la côte étant aussitôt entrée dans leur sentiment, ils envoyèrent en commun déclarer à Crassus que, s’il voulait avoir ses officiers, il fallait qu’il leur rendît leurs otages.

9. César, qui était fort loin de ces quartiers-là, ayant appris par les lettres de Crassus ce qui s’y passait, ordonna qu’en attendant on conduisît des galères sur la Loire qui se décharge dans l’Océan, qu’on tirât des rameurs de la province, et qu’on fît provision de matelots et de pilotes ; ce qui ayant été promptement exécuté, il se rendit à l’armée, dès que le temps le lui permit. Ceux de Vannes et leurs alliés, instruits de son arrivée, sentirent d’abord la grandeur de leur faute, d’avoir retenu