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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 4, 1846.djvu/1067

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plus d’attention à ce que fait sa compagnie. Je ne vois pas pourquoi l’arme dont il s’agit l’empêcherait d’avoir attention à ce que fait sa compagnie. J’ajouterai que cette compagnie n’étant que de quarante à cinquante hommes sur le pied complet, si vous allez encore la priver du feu que peuvent faire cinq hommes tels que les officiers et sergens, dont l’effet serait plus utile que celui de dix soldats, pour lors vous priverez le bataillon d’un grand avantage. De plus, ou les compagnies sont placées dans le bataillon,.auquel cas elles ne changent pas de place, ou on les fait avancer dans quelque poste d’où l’on fait faire feu ; en toutes ces situations, les officiers et sergens peuvent tirer eux-mêmes sans que cela dérange la compagnie. D’ailleurs t’ofRcier est le maître de tirer quand il le juge à propos, ou de ne le pas faire. C’est pourquoi, comme le plus grand nombre des actions de guerre se passe à coups de feu, et souvent sans en venir aux mains, il faut que tout (officiers et soldats) soit armé pour combattre et agir en tous lieux.

On pourrait me demander pourquoi j’ai dit ci-dessus qu’il fallait donner au soldat quarante coups à tirer. A cela je répondrai qu’il faut regarder les armes à feu comme bien différentes de ce qu’elles étaient autrefois, quand on portait des mousquets ou de gros fusils qui pesaient beaucoup, ce qui demandait bien du temps pour tirer et recharger au lieu qu’aujourd’hui les fusils sont plus légers et plus faciles à manier, et qu’on se sert de cartouches où la poudre et la balle tiennent ensemble. Le calibre du canon est fait pour recevoir une balle de dix-huit à la livre ; mais comme, à force de tirer, il se crasse en dedans, on fait les balles plus petites, de sorte qu’elles ne sont que de vingt-un à la livre ; d’une livre de poudre, on en fait quarante cartouches et comme il faut deux livres de plomb pour une livre de poudre, les quarante cartouches ne pèsent, que trois livres, poids que le soldat peut fort bien porter.

J’ai déjà dit ci-devant qu’il y avait des nations dont les soldats étaient exercés à tirer jusqu’à[1] cinq coups de fusil dans une minute. Il est donc nécessaire d’augmenter aux nôtres le nombre de cartouches, afin que, dans l’occasion où l’action demande un feu redoublé et prompt, ils ne puissent point en manquer, ce qui n’arrive que trop souvent, surtout à nous autres Français. C’est aux officiers à avoir soin que les soldats ne dissipent point la poudre mal à propos.

C’est un fait connu de tout le monde à la guerre, que le plus grand feu fait taire l’autre. Il est constant que si huit mille hommes font feu contre six mille, qu’ils tirent aussi vite les uns que les autres, et qu’ils soient à bonne portée et également à découvert, les huit mille, en peu de temps, détruiront les six mille. Mais si les huit mille sont plus longtemps à charger leurs armes, qu’ils ne soient pas exercés à tirer bien juste, comme on voit des bataillons faire des décharges de toutes leurs armes contre d’autres, sans cependant voir tomber personne, je jugerai pour lors que les six mille pourraient l’emporter sur les huit mille.

Je suppose que ces deux corps soient vis-à-vis l’un de l’autre sur le bord d’une rivière, tous les deux à découvert, et que l’un dès deux voulût y jeter un pont ; en ce cas il ne peut l’entreprendre qu’il n’ait par son feu obligé

  1. Ils en peuvent tirer jusqu’à six par minute, même en suivant les temps de leur exercice.