Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 4, 1846.djvu/1081

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Avantages des petites armées telles qu’elles étaient du temps de M. de Turenne, sur des armées beaucoup plus nombreuses.

Lisez toutes les actions de M. de Turenne, vous verrez quo les petites armées se meuvent avec facilité ; qu’un générât, soit dans les marches, soit dans les camps ou champs de bataille, peut tout voir, se porter facilement de la tête à la queue, ou de la droite à la gauche de son armée, reconnaître l’étendue du terrain où il faut combattre et placer ses troupes, faire en connaissance de cause passer ses ordres de la droite à la gauche par le moindre signal fait au moyen d’un étendard ou autre marque qui soit aperçue. On trouve partout une grande facilité à faire subsister une pareille armée dans des camps, vu le peu de consommation qu’elle fait en comparaison des grandes, et par conséquent elle est rarement contrainte de quitter les postes qui lui sont importans, par le défaut de fourrages ou d’autres subsistances.

Il n’en est pas de même à l’égard des grandes armées ; elles sont obligées de marcher sur un grand nombre de colonnes, sans quoi elles n’avanceraient pas, et elles tiennent dans leur marche quatre ou cinq lieues d’étendue. Dans leurs camps ou champs de bataille, elles tiennent un espace de deux ou trois lieues en longueur, de sorte que quand ce serait dans une plaine rase, un général n’en pourrait voir l’étendue, par conséquent donner aucun signal avec un étendard ou autre marque qui pût être vue, comme faisait César à Pharsale et en d’autres occasions. Il faut donc, si le signal est nécessaire, que le général ait recours à celui qui peut être entendu mais quand de sa droite il le ferait faire pour sa gauche par un coup de canon si le vent n’y est pas tourné, ce coup ne s’entendra pas. Il est encore nécessaire que, pour donner ses ordres justes, le générât ait dans sa tête une connaissance exacte de tout le pays qu’occupe son armée, ce qui est difficile, non-seulement dans les marches, mais sur les champs de bataille quand on est obligé de les occuper promptement, n’ayant pas eu le temps d’en prendre d’avance la notion nécessaire. Il faut donc, malgré lui, qu’à l’endroit où il n’est pas, chaque officier général inférieur fasse sa charge ; quand cela arrive, l’un entreprendra mal à propos, ainsi qu’à Fribourg ; à un autre il se présentera une bonne occasion, mais il ne voudra rien hasarder de son chef, et souvent il ignorera les intentions du général ; d’autres, qui se trouveront commandés, tireront la meilleure partie des troupes pour les placer, où ils sont, sans regarder s’ils ne dégarnissent pas trop d’autres endroits. Il ne suffit pas d’avoir une partie des officiers généraux inférieurs qui soit capable et appliquée, il faut qu’ils le soient tous car si celui qui est investi du commandement supérieur d’une division ne l’est pas, quand celui qui lui est subordonné le serait, il ne pourrait peut-être pas remédier aux fautes que l’autre aurait pu faire. À l’égard des fourrages et autres subsistances pour ces grandes armées, c’est encore une étude et une connaissance que l’on ne peut tenir que de ceux qui en ont été longtemps chargés, et qui s’en seront acquittés par règles et principes, ce qui est rare à trouver, sans quoi cependant l’on fait bien des fautes, dont même on ne s’aperçoit pas. Il en est de même des marches d’armées, des camps, y champs de bataille, et de bien d’autres parties de la guerre dont on n’a ni théorie ni pratique. Combien trouve-