Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 5, 1844.djvu/519

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furent toutes prestes après midi. Monsieur le grand-maistre résolut de ne les faire jouer qu’à six heures du soir affin qu’on peust se loger de jour, parce que la nuit nous estoit trop dommageable pour les raisons que nous avons dites. Il estoit adverty que les ennemis se préparoient depuis plusieurs jours à sous tenir l’assaut, que le gouverneur l’avoit résolu, que les soldats y estoient tous disposez que les artifices estoient tout prests, et les retranchemens achevez. It jugea qu’une attaque ne se pouvoit faire qu’avec perte signalée des nostres, et particulièrement de quantité de gentils-hommes de marque volontaires, et qu’il n’eust pu empescher d’y aller des premiers. Il donna l’ordre pour faire seulement un logement, où tout aussitôt on feroit des fourneaux, pour faire sauter peu à peu, et sans perte des nostres, les retranchemens que les ennemis avoient préparés.

» Les montagnes voisines estoient toutes couvertes de spectateurs, et tout estoit couvert d’hommes. Par cet appareil les ennemis cognement que nous nous préparions à faire quelque grand effort, bien plus que nous n’avions dessigné eux ne manquent pas aussi de disposer tout ce qui estoit nécessaire pour résister courageusement. Nostre canon tire curieusement tout le jour, la moquetteriez sans cesse, les trompettes font les fanfares, tout est en mouvement. Sur les six heures du soir on met le feu aux deux mines, celle de Piedmontfait autant d’effet que l’autre, en cor qu’elle n’eust que la moitié de la poudre. Je croy que de celle de Champagne, il n’en prit que le premier fourneau et que la saucisse en fut estouffée par l’éboulement de la terre, avant que le feu peust aller jusqu’aux autres ; neantmoins toutes les deux bresches estoient grandement ouvertes et faciles à monter ; mais le malheur des passages et ponts qui se rompirent, nous emperchèrent encor cette fois d’aller plus avant. Tout à l’instant les ennemis se montrent sur la bresche, quelques-uns à découvert, font leur salve, roulent en bas des chevaux de frise montez sur deux roues, jettent quantité de grenades, de cercles, de pots, et toutes sortes d’artifices couvrent la bresche de feu. Les mousquetades situent sans cesse de tous costez, tout est couvert de fumée, de nostre canon, de leurs feux et de leurs mosquets. Ils crient, ils s’exhortent les uns les autres et témoignent qu’ils se veulent défendre sans crainte ils se mettent à travailler derrière la bresche, nous voyons jetter la terre, et quoyque nostre canon tirast furieusement contre ces lieux, ils ne cessoient pas de travailler et de tirer.

» Le vingt-huitième juin, sur les six à sept heures du soir, on commanda de donner. Ceux de Bellefond et de Mondejus s’avancent vers l’ennemi et vont à la bresche. Le Chenoy, capitaine du régiment de Mondejus, avec Dumont, se tiennent là-dessus à la mercy des mousquetades qui pleuvoient sans cesse. Les soldats commandez les suivent, et se mettent en devoir de travailler. Ceux des tranchées tirant continuellement nos canons de toutes les batteries, n’interrompent point de tirer dans les parapets et lieux où ceux de la place faisoient leurs défenses ; mais cela n’empeschoit pas que les ennemis ne fissent pleuvoir une espaisse gresle de mousquetades. Les bombes roulent au long de la bresche, les grenades