Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 5, 1844.djvu/540

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

parce qu’il n’y a que ceux-ci qui puissent exécuter avec précision les manœuvrer de la tactique ; tandis que les autres peuvent très bien servir dans les villes de guerre, pourvu qu’il s’y trouve un noyau de troupes bien exercées c’est même l’un des avantages les plus remarquables des places mais s’il y faut moins de tactique, il n’y faut, pas moins de courage ni de persévérance à supporter toutes les privations, ni de cette vertu d’autant plus héroïque, qu’elle est nécessairement moins remarquée qu’en un champ de bataille, sous l’œil du, souverain lui-même, ou d’une grande partie de ses compagnons de gloire, et en présence d’une grande armée tout entière.

Que n’a-t-on pas à souffrir dans-une place assiégée, lorsqu’on est résolu d’en pousser la défense à toute extrémité ? Je ne rappellerai point à ce sujet ce qu’on peut voir dans toutes les descriptions de semblables événemens ; qui a pu les lire sans émotion ? C’est aux hommes destinés à une pareille défense qu’un gouverneur, marchant à leur tête, peut bien adresser, comme autrefois, un capitaine romain à ses soldats, ces paroles sublimes : Eò, eundem est, milites, undé redire non necesse est.

Quelle récompense ne méritent pas des soldats dignes d’entendre de semblables paroles le chef qui les prononce C’est au souverain seul, c’est au héros dont la présence a si souvent, au milieu des périls, enflammé les guerriers du plus noble enthousiasme, qu’il appartient d’apprécier ces faits militaires et d’en placer les auteurs au rang de gloire qui leur appartient.


CHAPITRE V.

Combien il est dangereux de laisser porter coup au moral du soldat. — Puissance de l’opinion dans une place assiégée. — Ressort qu’imprime une généreuse résolution. – Découragement que produit la seule idée qu’il faut finir par se rendre. — Prodigieux effets de l’enthousiasme, de la belle contenance des chefs, du désir de la gloire, de l’amour de la patrie, des principes religieux.

Loin de se laisser ébranler par de vaines menaces, par la chute de quelques bombes, un homme courageux et instruit ne s’enraie pas même de voir l’ennemi logé sur la contrescarpe, et se disposer à l’attaque du corps de place. Il médite de son côté les moyens de le faire échouer dans une entreprise aussi hasardeuse. Il inspire au soldat sa propre confiance, il lui fait connaître l’ascendant que lui donne sa position, une position où il occupe la hauteur, où il ne peut être tourné, où il ne peut être attaqué que sur un front égal au sien, et où il faut que l’ennemi arrive par un chemin escarpé, contre-miné, battu en flanc et de revers. Il montre enfin à ses frères d’armes que c’est un moment, décisif pour leur gloire, et il sait faire passer dans tous les cœurs le noble désir de s’illustrer par une défense à jamais mémorable.

Cependant il se trouve des hommes qui, loin de partager et de propager ces sentimens généreux, ne semblent s’appliquer qu’à ébranler le moral de troupes par des insinuations aussi perfides que pusillanimes. C’est une fausse gloire, suivant eux, que celle qu’on prétend acquérir par une défense poussée au-delà de certaines bornes : ils affirment qu’une longue expérience et des calculs raisonnables ont fixé, pour