Page:Lissagaray - Alfred de Musset devant la jeunesse, Cournol, 1864.djvu/27

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Toutes les petites mains étaient en l’air avant que le morceau fût coupé. A mesure qu’ils recevaient leurs soupers, les uns s'en allaient en sautant : les autres, plus posés, se rendaient à la porte de la cour pour voir les belles dames et la voiture qui devait emmener leur chère Lolotte. »

Ce qu’il aime en elle, c’est l’image de toutes ces vertus qui se reflètent sur ce qui l’entoure. Est-ce le libertin dont les sens déjà blasés se réveillent : Écoutez.

« Elle est sacrée pour moi : tout désir se tait en sa présence. Je ne sais ce que je sens quand je suis auprès d’elle : c’est comme si mon âme se versait et coulait dans tous mes nerfs. »

Et lorsque cette passion qui suit son cours chaste et régulier vient se heurter contre l’obstacle, lorsque son mariage avec Albert enlève à Werther toute espérance de posséder Charlotte, quelle harmonie et quelle noblesse dans l’expression de ce désespoir cependant sans remède.



4 décembre.


« Je te supplie vois-tu, c’est fait de moi je ne saurais supporter tout cela plus longtemps. Aujourd’hui j’étais assis près d’elle j’étais assis ; elle jouait différents airs sur son clavecin, avec toute l’expression ! tout, tout ! que dirais-je, sa petite sœur habillait sa poupée sur mon genou. Les larmes me sont venues aux yeux, je me suis baissé, et j’ai aperçu son anneau de mariage. Mes pleurs ont coulé et tout à coup elle a passé à cet air ancien dont la douceur a quelque chose de céleste, et aussitôt j’ai senti entrer dans mon âme un sentiment de consolation, et revivre le souvenir de tout le passé, du temps où j’entendais cet air, des tristes jours d’intervalle, du retour, des chagrins, des espérances trompées, et puis j’allai et venai par la chambre ; mon