Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/103

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fleurs et d’oriflammes, apparut triomphale et sombre, deuil du passé, espoir de l’avenir, cippe et mai gigantesque.

Le 26 les manifestations redoublèrent. Un agent de police, surpris par des soldats à prendre les numéros de leurs régiments, fut saisi et jeté dans le canal qui l’emporta à la Seine où des furieux le suivirent. Vingt-cinq bataillons défilèrent, cette journée, grosse d’angoisse. Les journaux annonçaient pour le lendemain l’entrée de l’armée allemande par les Champs-Élysées. Le Gouvernement, repliait ses troupes sur la rive gauche et déménageait le Palais de l’Industrie. Il n’oubliait que les quatre cents canons de la garde nationale parqués place Wagram et à Passy. Déjà l’incurie des capitulards avait, — Vinoy l’a écrit, — livré douze mille fusils en trop aux Prussiens. Qui sait s’ils n’allaient pas aussi étendre leurs doigts crochus jusqu’à ces belles pièces coulées avec le sang, la chair des Parisiens, marquées au chiffre des bataillons. Spontanément tout le monde y pensa. Les premiers à partir furent les bataillons de l’ordre de Passy et d’Auteuil ; d’accord avec la municipalité, ils traînèrent au parc Monceau les pièces du Ranelagh. Les autres bataillons de Paris vinrent chercher leurs canons au parc Wagram et les emmenèrent dans la ville, à Montmartre, la Villette, Belleville, place des Vosges, rue Basfroi, barrière d’Italie, etc.

Paris avait repris le soir sa physionomie du siège. Le rappel, le tocsin, les clairons jetaient des milliers d’hommes armés à la Bastille, au Château-d’Eau, rue de Rivoli. Les troupes envoyées par Vinoy pour arrêter les manifestations de la Bastille fraternisaient avec le peuple. La prison de Sainte-Pélagie était forcée, Brunel délivré. À deux heures du matin, quarante mille hommes remontaient les Champs-Élysées et l’avenue de la Grande-Armée, à la rencontre des Prussiens. Ils les attendirent jusqu’au jour. En revenant, les bataillons de Montmartre s’attelèrent aux canons sur leur passage et les roulèrent devant la mairie du xviiie et au boulevard Ornano.

À cet élan chevaleresque, Vinoy répondit par un ordre du jour flétrissant. Ce gouvernement qui injuriait