Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/157

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très mécontent de voir les maires recommencer. L’idée des élections avait fait son chemin dans tous les milieux ; beaucoup de journaux s’y ralliaient, de ceux même qui avaient signé la protestation du 21. Personne ne comprenait qu’on bataillât pour une date. Un courant irrésistible de fraternité emportait la ville. Les deux ou trois cents boursiers, restés fidèles à Dubail, s’éclaircissaient d’heure en heure, laissant l’amiral Saisset faire des appels du pied dans le désert du Grand-Hôtel. Les maires n’avaient plus d’armée quand Ranvier et Arnold revinrent vers dix heures du matin prendre leur dernier mot. Schœlcher, toujours âpre, tenait bon. Arrivent des députés qui apportent de Versailles le bruit du duc d’Aumale lieutenant-général, La majorité ne tint plus, accepta de convoquer les électeurs pour le dimanche 26. Une affiche fut rédigée que devaient signer d’une part les maires et les députés et, pour le Comité Central, ses délégués Ranvier et Arnold. Le Comité Central voulut signer en masse et modifiant légèrement le préliminaire, il afficha : « Le Comité Central auquel se sont ralliés les députés de Paris, les maires et les adjoints, convoque… » Là-dessus quelques maires, à l’affût d’un prétexte, s’enlevèrent : « Ce n’est pas notre convention ; nous avions dit : Les députés, les maires, les adjoints et les membres du Comité. » Et, au risque de rallumer les cendres, ils protestèrent par affiche. Cependant le Comité pouvait dire : « auquel se sont ralliés, » puisqu’il n’avait absolument rien cédé. Ces fumerons de discorde furent étouffés dans l’embrassement des Parisiens. L’amiral Saisset licencia les quatre hommes qui lui restaient. Tirard invita les électeurs à voter ; M. Thiers, le matin même, lui avait donné le mot : « Ne continuez pas une résistance inutile, je suis en train de réorganiser l’armée. J’espère qu’avant quinze jours ou trois semaines nous aurons une force suffisante pour délivrer Paris. »

Cinq députés seulement signèrent l’affiche : Lockroy, Floquet, Clemenceau, Tolain, Greppo. Le groupe Louis Blanc ne quittait plus Versailles. Ces femmelins qui avaient toute leur vie chanté la Révolution, quand ils la virent se dresser, s’enfuirent épouvantés, comme le pêcheur arabe à l’apparition du Génie.