Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Prussien. Pouvant tout, par leurs influences, leur richesse, ils ne protestent pas d’un vote, d’un murmure. En 69, une autre poussée du peuple les oppose au pouvoir ; ils n’ont que des velléités d’eunuque, au premier signe baisent la botte, font litière au plébiscite qui rebaptise la dynastie.

Pauvre France ! qui veut te sauver de l’invasion ? L’humble, le travailleur, celui qui, depuis des années, te dispute à l’Empire.

Nous heurtons ici les introductions nécessaires. Qui a fait cette journée du 9 août 1870, cette guerre, cette invasion, ces hommes, ces partis ? Le prologue est obligatoire aux tragédies qu’on va dire. Le moins aride possible, mais ne saura rien qui ne sera pas attentif.

Six ans après 1852, l’Empire industriel rêvé par les Saint-Simoniens battait tout neuf encore. Très en retard sur ses moindres voisins, le pays était toujours un vaste chantier alimenté par une épargne insondée jusqu’alors. Enrichie par des débouchés nouveaux, la province oubliait les sept ou huit mille proscrits et déportés habilement choisis pour la terreur.

Le clergé, si grandi par l’avènement du suffrage universel, embrassait cet Empereur « sorti de la légalité pour rentrer dans le droit » avait dit Darboy, évêque, et lui donnait du Charlemagne, du Constantin. Haute et moyenne bourgeoisie s’offrait à tous les services qu’il plairait au maître. Le Corps législatif, brodé comme un laquais, tout en courbettes et sans droits, eût été désolé d’en avoir. Une vaste police, habile et prompte, surveillait les moindres issues. Supprimés, les journaux d’oppositions sauf cinq ou six tenus en laisse, les réunions ; les associations, le livre, le théâtre, châtrés ; pour se faire une paix, l’Empire avait cloué la soupape.

De loin en loin à Paris, un couplet de la Marseillaise, un cri de liberté, à l’enterrement de Lamennais, de David d’Angers ; une huée en Sorbonne aux palinodies de Nisard ; quelque manifeste clandestin des proscrits de Londres ou de Jersey qui ne s’entendaient guère ; une lueur des Châtiments de Victor Hugo ; pas même un frisson pour la masse ; la vie animale absorbait tout.