Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/197

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au milieu de la route, à découvert, donne l’exemple. On tiraille plusieurs heures. Quelques obus suffiraient pour déloger l’ennemi, Duval n’a pas d’artillerie ; déjà les cartouches manquent ; il en envoie chercher à Châtillon.

Les fédérés qui occupent la redoute, confondus dans un désordre inextricable, se croient déjà cernés. Les envoyés de Duval prient, menacent, ne peuvent obtenir ni renforts, ni munitions. Un officier ordonne la retraite. Duval, abandonné, est assailli par la brigade Derroja et toute la division Pellé, 8 000 hommes, Il se retire avec les braves sur le plateau de Châtillon.

L’effort au centre n’était pas plus heureux. Dix mille hommes avaient quitté le Champ de Mars à trois heures du matin, avec Ranvier et Avrial. Le général Eudes, pour tout ordre de bataille, avait dit d’aller en avant. À six heures, le 61e attaque les Moulineaux que des gendarmes défendent. Ils sont forcés de se retirer jusqu’à Meudon fortement occupé par une brigade versaillaise retranchée dans les villas et pourvue de mitrailleuses. Les fédérés n’ont que huit pièces, alors que Paris en possède des centaines, et chaque pièce n’a que huit coups. À neuf heures, découragés de tirailler contre des murs, ils se replient sur les Moulineaux. Ranvier courut chercher des canons, les installa dans le fort d’Issy. Ils empêchèrent les Versaillais de prendre l’offensive.

On était battu sur tous les points, et les dépêches chantaient victoire. Amusée par des états-majors qui ne savaient même pas le nom des généraux, la Commission exécutive annonçait la jonction de Flourens et de Duval à Courbevoie. Félix Pyat, redevenu belliqueux, criait dans le Vengeur : « À Versailles ! si nous ne voulons pas remonter en ballon ! À Versailles ! si nous ne voulons pas revenir au pigeon ! À Versailles ! si nous ne voulons pas être réduits au pain de son ! À Versailles ! si… etc. » Malgré les fuyards du matin, l’élan populaire ne diminuait pas. Un bataillon de trois cents femmes remontait, drapeau rouge en tête, les Champs-Elysées, demandant à sortir contre l’ennemi. Les journaux communeux du soir annonçaient l’arrivée de