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Justice et au cours Bonaparte ; les marins de la Couronne s’alignent devant la Bourse ; les premiers coups de feu éclatent à la gare.

Espivent se présente sur trois points : la gare, la place Castellane et la Plaine. Les francs-tireurs, malgré une bonne défense, sont obligés de battre en retraite. Les Versaillais fusillent le commissaire de la gare, sous les yeux de son fils enfant de seize ans qui se jette aux pieds de l’officier, offrant sa vie pour celle de son père. Le second commissaire, Funel, peut s’échapper le bras fracassé. Les colonnes de la Plaine et de l’Esplanade poussent leurs postes avancés jusqu’à trois cents mètres de la préfecture.

La commission, toujours dans le rêve, envoie une ambassade à Espivent. Gaston Crémieux et Pélissier partent, suivis d’une foule d’hommes et d’enfants, criant : Vive Paris ! Aux avant-postes de la place Castellane où se tient l’état-major, le chef du 6e chasseurs, Villeneuve, s’avance vers les délégués. « Quelles sont vos intentions ? dit Crémieux. — Nous venons rétablir l’ordre. — Quoi, vous oseriez tirer sur le peuple ! » s’écrie Crémieux, et il entame une harangue ; le Versaillais menace de faire marcher ses chasseurs. Les délégués se font alors conduire auprès d’Espivent. Il parle de les arrêter, leur donne cinq minutes pour évacuer la préfecture. Gaston Crémieux, à son retour, trouve les chasseurs aux prises avec la foule qui cherche à les désarmer. Un flot nouveau de peuple précédé d’un drapeau noir, arrive, fait une poussée contre les soldats. Un officier allemand qui s’est mis en amateur au service d’Espivent arrête Pélissier ; les chefs versaillais, voyant leurs hommes très ébranlés, ordonnent la retraite.

La foule applaudit, croyant à une volte-face. Déjà deux corps d’infanterie avaient refusé de marcher. La place de la préfecture se remplit de groupes confiants. Vers dix heures, les chasseurs débouchent par les rues de Rome et de l’Armény. On crie, on les entoure. Beaucoup lèvent la crosse en l’air. Un officier parvient cependant à enlever sa compagnie, qui croise la baïonnette ; il tombe la tête traversée d’une balle. Ses hommes que cette mort irrite chargent les gardes na-