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Douce et patiente aux petits enfants qui l’adoraient, pour la cause du peuple, la mère devenait lionne. Elle avait organisé un corps d’ambulancières qui soignaient les blessés sous la mitraille. Elles allaient aussi dans les hôpitaux disputer leurs chers camarades aux religieuses revêches, et l’œil des mourants se ranimait au murmure de ces douces voix qui parlaient de République et d’espoir.

Dans cette mêlée de dévouement, les enfants défiaient les hommes et les femmes. Les Versaillais, vainqueurs, en prirent 660, et beaucoup périrent dans la lutte des rues. Ils suivaient les bataillons aux tranchées, dans les forts, s’accrochaient aux canons. Quelques servants de la porte Maillot étaient des enfants de 13 à 14 ans. En rase campagne, ils faisaient des folies de bravoure [1].

Cette flamme parisienne rayonnait au delà de l’enceinte. Les municipalités de Sceaux et de Saint-Denis se réunissaient à Vincennes pour protester contre le bombardement, revendiquer les franchises municipales et l’installation de la République. La chaleur en venait jusqu’à la province.

Elle commençait à croire Paris imprenable, malgré les dépêches de M. Thiers, le 3 avril : « Cette journée est décisive pour le sort de l’insurrection » ; le 4 : « Les insurgés ont éprouvé aujourd’hui un échec décisif » ; le 7 : « Cette journée est décisive » ; le 11 : « On prépare contre les insurgés des moyens irrésistibles » ; le 12 : « Les insurgés fuient à toutes jambes ; on attend le moment décisif » ; le 15 : « Nous tenterons, par une épreuve décisive, de mettre un terme à cette guerre civile » ; le 17 : « Nous persistons à éviter les petites actions jusqu’à l’action décisive. » Malgré tant de succès décisifs et de moyens irrésistibles, l’armée versaillaise se morfondait toujours aux avant-postes parisiens. Ses seules victoires décisives étaient contre les maisons de l’enceinte et de la banlieue.

Le voisinage de la porte Maillot, l’avenue de la Grande-Armée, les Ternes, s’allumaient d’incendies

  1. Appendice V.