Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/277

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.
263
HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

leur sang de Paris dans les luttes stériles du dehors, en défis héroïques comme Neuilly, Vanves, Issy.

Issy surtout. Ce n’était plus un fort, à peine une position forte, un fouillis de terre et de moellons fouetté par les obus. Les casemates défoncées laissaient voir la campagne ; les poudrières se découvraient ; la moitié du bastion 3 était dans le fossé ; on pouvait monter à la brèche en voiture. Une dizaine de pièces au plus répondaient à l’averse des soixante bouches à feu versaillaises ; la fusillade des tranchées ennemies, visant les embrasures, tuait presque tous les artilleurs. Le 3, les Versaillais renouvelèrent leur sommation, ils reçurent le mot de Cambronne. Le chef d’état-major laissé par Eudes avait filé. Le fort resta aux mains vaillantes de deux hommes de cœur, l’ingénieur Rist et Julien, commandant du 141e bataillon — XIe arrondissement. À eux et aux fédérés qu’ils surent retenir, revient l’honneur de cette défense extraordinaire. Voici quelques notes de leur journal :

« 4. — Nous recevons des balles explosibles qui éclatent avec un bruit de capsule. Les fourgons n’arrivent plus ; les vivres sont rares et les obus de 7, nos meilleures pièces, vont manquer. Les renforts promis tous les jours ne se montrent pas. — Deux chefs de bataillons ont été trouver Rossel. Il les a reçus très mal et leur a dit qu’il serait en droit de les fusiller pour avoir abandonné leur poste. Ils ont exposé notre situation. Rossel a répondu qu’un fort se défend à la baïonnette ; il a cité l’ouvrage de Carnot. Cependant il a promis des renforts. — Les francs-maçons viennent planter une bannière sur nos remparts. Les Versaillais l’abattent. — Nos ambulances sont combles ; la prison et le corridor qui y conduit sont bourrés de cadavres ; il y en a plus de trois cents. Un omnibus d’ambulance arrive dans la soirée. Nous y empilons le plus possible de nos blessés. Dans le trajet du fort au village d’Issy, les Versaillais le criblent de balles.

5. — Le feu de l’ennemi ne cesse pas une minute. Nos embrasures n’existent plus ; les pièces du front répondent toujours. — À deux heures, nous recevons dix fourgons d’obus de 7. — Rossel est venu. Il a regardé longuement les travaux versaillais. — Les En-