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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

Le 9, à midi, les bataillons demandés par Rossel s’alignaient sur la place de la Concorde. Rossel arriva à cheval, parcourut rapidement le front des lignes, jeta aux chefs de légion : « Il n’y a pas mon compte » et tourna bride. À la Guerre on lui annonça l’évacuation du fort d’Issy. Il ne voulut rien écouter, sauta sur sa plume, écrivit : « Le drapeau tricolore flotte sur le fort d’Issy, abandonné hier par la garnison » ; et, sans avertir la Commune ou le Comité de salut public, il donna l’ordre d’afficher ces deux lignes à dix mille exemplaires, quand le tirage habituel était six mille.

Il écrivit ensuite sa démission : Citoyens, membres de la Commune, je me sens incapable de porter plus longtemps la responsabilité d’un commandement où tout le monde délibère et où personne n’obéit. Lorsqu’il a fallu organiser l’artillerie, le comité central d’artillerie a délibéré et n’a rien prescrit… La Commune a délibéré et n’a rien résolu… Le Comité Central délibère et n’a pas encore su agir… Pendant ce délai, l’ennemi enveloppait le fort d’Issy d’attaques imprudentes dont je le punirais si j’avais la moindre force militaire disponible. Il racontait à sa manière et très inexactement l’évacuation du fort, la revue de la Concorde, disait qu’au lieu des douze mille hommes, il n’y en avait que sept mille[1], et concluait : Ainsi la nullité du comité d’artillerie empêchait l’organisation de l’artillerie ; les incertitudes du Comité Central arrêtent, l’administration ; les préoccupations mesquines des chefs de légion paralysent la mobilisation des troupes… Mon prédécesseur a eu le tort de se débattre au milieu de cette situation absurde… Je me retire et j’ai l’honneur de vous demander une cellule à Mazas.

Il croyait ainsi dégager sa responsabilité militaire ; mais on pouvait l’accabler de tous les côtés. — Pourquoi avez-vous accepté cette situation « absurde » que vous connaissiez à fond ? Pourquoi n’avez-vous fait aucune condition à la Commission exécutive le 30 avril, aucune condition le 2, le 5 mai à la Commune ? Pour-

  1. Les chefs de légion ont dit dix mille ; la vérité est entre les deux.