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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

les ouvriers du Havre, repoussés par les républicains bourgeois, constituèrent un groupe sympathique à Paris. Le 16, à Grenoble, six cents hommes, femmes et enfants, allèrent à la gare empêcher le départ des troupes et des munitions pour Versailles. Le 18, à Nîmes, une manifestation, drapeau rouge en tête, parcourut la ville, criant : « Vive la Commune ! vive Paris ! à bas Versailles ! » Le 16, le 17 et le 18, à Bordeaux, des agents de police furent emprisonnés, des officiers frappés, la caserne d’infanterie fut criblée de pierres et on cria : « Vive Paris ! Mort aux traîtres ! » Le mouvement gagna les classes agricoles. À Sancoins dans le Cher, à la Charité-sur-Loire, à Pouilly dans la Nièvre, des gardes nationaux en armes promenèrent le drapeau rouge. Cosne suivit le 18 ; Fleury-sur-Loire le 19. Le drapeau rouge flotta en permanence dans l’Ariège ; à Foix, on arrêta les canons ; à Varilhes, on essaya de faire dérailler les wagons de munitions ; à Périgueux, les ouvriers de la gare saisirent les mitrailleuses.

Le 15, cinq délégués du conseil municipal de Lyon se présentèrent chez M. Thiers. Il protesta de son dévouement à la République, jura que l’Assemblée ne deviendrait pas Constituante. S’il prenait ses fonctionnaires en dehors des républicains, c’était pour ménager tous les partis, dans l’intérêt même de la République. Il la défendait contre les hommes de l’Hôtel-de-Ville, ses pires ennemis, disait-il. Les délégués pouvaient s’en assurer à Paris même et il était tout prêt à leur délivrer des laissez-passer. Du reste, si Lyon se permettait de bouger, il y avait là 30 000 hommes prêts à le réduire — gros mensonge qu’il avoua quatre ans plus tard à Bordeaux. Les autres députations eurent le même discours, fait d’un air bonhomme, avec une abondance de familiarité qui gagnait les provinciaux.

De la présidence, ils passaient aux luminaires de l’Extrême-Gauche, Louis Blanc, Schœlcher, Edmond Adam, et autres célèbres démocrates qui estampillaient la parole de M. Thiers. Ces docteurs voulaient bien admettre que la cause de Paris était juste en principe, mais ils la déclaraient mal engagée, compromise dans