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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

rayon qui lui restait. Il installa sur la Butte-aux-Cailles, position dominante entre le Panthéon et les forts, une batterie de huit pièces et deux batteries de quatre, fortifia les boulevards d’Italie, de l’Hôpital, de la Gare, établit son quartier général à la mairie des Gobelins, sa réserve place d’Italie, place Jeanne-d’Arc et à Bercy.

À l’autre extrémité de Paris, les XIXe et XXe arrondissements préparent leur défense. Le brave Passedouet a remplacé du Bisson qui osait encore se présenter comme chef de légion de la Villette. On barricade la grande rue de la Chapelle en arrière du chemin de fer de Strasbourg, les rues d’Aubervilliers de Flandre et le canal, de manière à former cinq lignes de défenses protégées sur les flancs par les boulevards et les fortifications ; on met du canon à la rue Riquet, à l’usine à gaz. Des pièces de rempart sont traînées à bras sur les buttes Chaumont ; d’autres rue Puebla. Une batterie de six monte au Père-Lachaise et couvre Paris de son grondement.

Un Paris désert et muet. Comme la veille, les magasins restent fermés. Les rues blanches de soleil se déroulent vides et menaçantes. Des estafettes courant à bride abattue, des galops d’artillerie qu’on déplace, des combattants en marche coupent seuls la solitude. Des cris traversent ce silence : « Ouvrez les contrevents ! levez les jalousies ! » Au-dessus des fausses fenêtres, on met une marque après vérification. Deux journaux, le Tribun du Peuple et le Salut Public, ont paru malgré les obus versaillais qui tombent à l’imprimerie de la rue d’Aboukir.

Quelques hommes, à l’Hôtel-de-Ville, font de leur mieux pour parer aux besoins. D’abord il faut nourrir les combattants. Le Comité envoie chercher 500 000 francs à la Banque, qui s’empresse de les donner ; elle donnerait des millions. Un décret autorise les chefs de barricade à requérir les vivres et les outils nécessaires. Un autre condamne à l’incendie toute maison d’où l’on tirera sur les fédérés. Le Comité de salut public affiche dans l’après-midi un appel aux « soldats de l’armée de Versailles. »

« Le peuple de Paris ne croira jamais que vous puis-