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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

l’abandon de l’Hôtel-de-Ville et prédit que cette retraite découragerait bien des combattants.

On évacua le lendemain l’Imprimerie nationale où le Journal officiel de la Commune parut le 24 pour la dernière fois. Comme un Officiel qui se respecte, il est en retard d’un jour. Il contient les proclamations de l’avant-veille et quelques détails sur la bataille qui ne vont pas au delà du mardi matin.

L’abandon de l’Hôtel-de-Ville coupe la défense en deux, accroît la difficulté des communications. Les officiers d’état-major qui n’ont pas disparu, parviennent avec peine au nouveau quartier général. Ils sont arrêtés aux barricades, contraints de porter des pavés. S’ils montrent leurs dépêches, invoquent l’urgence, on répond : « Il n’y a plus de galons aujourd’hui ! » La colère qu’ils inspirent depuis longtemps éclate ce matin même. Rue Sedaine, près de la place Voltaire, un jeune officier de l’état-major général, le comte de Beaufort est reconnu par des gardes du 166e bataillon qu’il a menacés quelques jours auparavant au Ministère de la Guerre. Arrêté pour violation de consigne, Beaufort, avait dit qu’il purgerait le bataillon et, la veille, près de la Madeleine, le bataillon avait perdu soixante hommes. Arrêté et conduit devant un conseil de guerre qui s’installe non loin de la mairie dans une boutique du boulevard Voltaire, Beaufort produit des états de services à Neuilly, à Issy et de tels certificats que l’accusation est abandonnée. Néanmoins les juges décident qu’il servira comme simple garde dans le bataillon. Quelques-uns des assistants renchérissent et le nomment capitaine. Il sort triomphant. La foule qui ne connaît pas ses explications gronde en le voyant libre ; un garde se précipite sur lui. Beaufort a l’imprudence de sortir son revolver. Il est aussitôt saisi et rejeté dans la boutique. Le chef d’état-major n’ose pas venir au secours de son officier. Delescluze accourt, demande un sursis, dit que Beaufort sera jugé. On ne veut rien entendre. Il faut céder pour éviter une mêlée affreuse. Beaufort, conduit dans un terrain vague situé derrière la mairie, est passé par les armes. Il était très probablement — on le verra — dans les conspirations.

À deux pas, au Père-Lachaise, le corps de Dom-