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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

comme dans l’affaire des membres de la Commune ; pourtant l’accusation, loin de lâcher prise, s’acharnait sur ceux-là même qui avaient exposé leur vie pour sauver les généraux. Le commissaire menaça d’arrêter un témoin qui déposait chaleureusement en faveur d’un accusé. On s’aperçut, après plusieurs audiences, qu’on jugeait un individu pour un autre ; le président ordonna à la presse de taire l’incident. Chaque audience, chaque nouveau témoignage dégageait les accusés, rendait toute condamnation impossible ; le 18 novembre, Verdagnier, Simon Mayer, Herpin-Lacroix, Lagrange, Masselot, Leblond, Aldenhoff, furent condamnés à mort, les autres à des peines variant des travaux forcés à l’emprisonnement. Un des condamnés à mort, Leblond, n’avait que quinze ans et demi. Sept années plus tard, le conseil de guerre de Paris condamnait, pour la même affaire, un vieillard de 72 ans, Garcin.

Cette satisfaction donnée à l’armée, les conseils de guerre, en bons courtisans, vengèrent les offenses de M. Thiers. Le fonctionnaire, chargé par la Commune de démolir l’hôtel de celui qui avait démoli des centaines de maisons. Fontaine, comparut devant le 5e conseil qui s’efforça d’en faire un voleur. Personne n’ignorait que les tableaux, les meubles, les porcelaines et l’argenterie de M. Thiers, avaient été envoyés au Garde-Meuble, les objets d’art aux musées, les livres aux bibliothèques publiques, le linge aux ambulances et, depuis l’entrée des troupes, le petit homme était rentré en possession de presque tous ses bibelots. Un très petit nombre avaient disparu dans l’incendie des Tuileries ; le rapport accusa Fontaine de les avoir soustraits, quoiqu’on n’eût trouvé chez lui que deux médaillons sans valeur. À cette accusation contre laquelle il se croyait garanti par une longue vie de probité. Fontaine ne sut répondre que par des larmes. La figaraille en rit beaucoup. Il fut condamné à vingt ans de travaux forcés.

Le 28 novembre, l’Assemblée recommença ses fusillades. M. Thiers avait habilement rejeté sur les députés le droit de commuer les peines et fait nommer par la Chambre une commission des grâces. Elle se compo-