Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/85

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Jules Favre, que Millière venait de convaincre, pièces authentiques en mains, de faux, de bigamie, de suppression d’État. Millière, il est vrai, fut élu. Par une injustice cruelle, la sentinelle vigilante, qui pendant tout le siège avait toujours montré de la sagacité, Blanqui, ne trouva que 52 000 votes — à peu près les opposants du plébiscite — tandis que Félix Pyat en recevait 145 000 pour ses fifreries du Combat.

Ce scrutin confus, disparate, attestait au moins l’idée républicaine. Paris, jeté bas par l’Empire et les libéraux, se reprenait à la République qui lui rouvrirait l’avenir. Mais voilà qu’avant même d’avoir vu proclamer son vote, il entend sortir des urnes de province un cri sauvage de réaction. Avant qu’un seul de ses élus ait quitté la ville, il voit s’acheminer vers Bordeaux une troupe de campagnards, de Pourceaugnacs, de sombres cléricaux, revenants de 1815, de 1830, de 1849 qui viennent dindonnant, furieux, de par le suffrage universel, prendre possession de la France. Quelle était cette mascarade sinistre ? Comment cette végétation souterraine avait-elle pu monter à la surface et s’épanouir au sommet du pays ?

Il a fallu que Paris et la province fussent terrassés, que le Schylock prussien drainât nos milliards et taillât deux lambeaux dans notre flanc, que l’état de siège s’abattît quatre années sur quarante-deux départements, que cent mille français fussent rayés de la vie ou du sol natal, que les cancrelats conduisissent leurs processions par toute la France, pour qu’on ait voulu l’admettre cette grande machination réactionnaire que, dès la première heure jusqu’à l’explosion finale, les républicains de Paris et de la province dénoncèrent, infatigables, aux pouvoirs traîtres ou languissants.

En province, le champ, la tactique ne furent pas les mêmes. Au lieu d’être dans le Gouvernement, la conspiration fut autour. Pendant tout le mois de septembre les réactionnaires se blottirent dans leurs trous. Les gens de l’Hôtel-de-Ville, se croyant sûrs de traiter, n’avaient envoyé en province qu’un général quelconque, pour les paperasses administratives. Mais la province prenait la Défense comme la République au sérieux. Lyon avait même compris son devoir avant