Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/96

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tageux ! Que savait alors le paysan français et combien pouvaient dire où se trouvait l’Alsace ? C’est lui surtout que visait la bourgeoisie hostile à l’instruction obligatoire. Tous ses efforts pendant quatre-vingts ans n’ont-ils pas été de transformer en coolie le petit-fils des volontaires de 92.

Un souffle de révolte passa sur les mobiles trop souvent commandés par des réactionnaires de marque. Tels disaient à l’armée de la Loire : « Nous ne voulons pas nous battre pour M. Gambetta ». Des officiers se vantèrent de n’avoir jamais exposé la vie de leurs hommes.

Au commencement de 1871, la province était taraudée de part en part. Des conseils généraux dissous se réunissaient. La Délégation suivait les cheminements de l’ennemi intérieur, maudissait M. Thiers, se gardait bien de l’arrêter. Les hommes d’avant-garde qui vinrent dire jusqu’où le flot montait furent vivement reconduits. Gambetta surmené, découragé, regardait tristement se désagréger la défense. À ses objurgations de sortie les gens de l’Hôtel-de-Ville répondaient par des pigeons déclamatoires. En janvier ses dépêches allaient à l’invective. La capitulation, Vinoy, la livraison de l’armée de l’Est, la convocation d’une Assemblée furent le coup final. Gambetta, hors de lui, songea à refuser les élections et, devant l’inévitable, il proclama inéligibles les grands fonctionnaires et députés officiels de l’Empire, les conseils généraux dissous, révoqua quelques magistrats des commissions mixtes. Bismarck protesta ; les gens de l’Hôtel-de-Ville s’épouvantèrent, Jules Simon accourut à Bordeaux. Gambetta le reçut à la pointe du pied et, devant un groupe de républicains, lui cracha son mépris des gens de la Défense. Sous ses imprécations, le jésuite courba le dos, perdit sa langue, ne put que répondre : « Prenez ma tête ! » — « Que voulez-vous que j’en foute ! lui cria Gambetta ; des breloques ! » Chassé de la préfecture le Défenseur se réfugia chez M. Thiers, appela les journalistes réactionnaires et leur dicta une protestation collective. Gambetta eut la fugitive pensée de le faire arrêter ; mais, voyant l’impasse, il se retira.

Au coup de sifflet des élections, le décor si laborieu-