Page:Lissagaray - Jacques Bonhomme, Armand Le Chevalier, 1870.djvu/22

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de ton travail comme il a le droit de jouir de ta fiancée.

Comprends-tu maintenant pourquoi, pendant des centaines d’années, l’histoire est muette sur Jacques Bonhomme ? Quel nom a le bœuf qui creuse le sillon, le mouton qui produit la laine ? Seules, ces ruines orgueilleuses qui écrasent encore aujourd’hui le coteau racontent ton passé en attestant tes douleurs.

Des centaines d’années pendant lesquelles vingt générations de Jacques, après avoir labouré toute la journée de leur vie, vinrent, résignées et silencieuses, se coucher le soir dans une tombe sans nom. De ce troupeau, quelques-uns s’échappèrent ; servis par leur audace, la ruse ou le hasard, ils parvinrent à s’émanciper, achetèrent des champs ou des priviléges aux seigneurs endettés et coureurs d’aventures, organisèrent la commune, créèrent à côté de la noblesse et du clergé une caste nouvelle, bientôt aussi dédaigneuse, aussi exclusive pour le peuple que les deux autres : la bourgeoisie. La royauté, faible et discutée, leur tendit la main en haine des nobles, devenus dans leurs provinces domaines ou châteaux, de véritables souverains Mais le pau-