Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/194

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des effets tout aussi désastreux que l’original portugais.

Les Anglais, accoutumés aux vins capiteux de la Péninsule, n’augmentèrent pas leur consommation aussi rapidement qu’on s’en était flatté. D’un autre côté, on découvrit en France avec effroi qu’on n’avait à offrir aux Anglais que des modes et des objets de luxe, dont la valeur totale était insignifiante, tandis que les fabricants anglais surpassaient de beaucoup ceux de France, tant pour le bas prix des marchandises que pour leur bonne qualité et pour la longueur des crédits, dans tous les articles de première nécessité, dont la valeur totale était immense. Cette concurrence ayant en peu de temps mis les fabriques de la France a deux doigts de leur perte, pendant que les vignobles français n’avaient réalisé que de faibles bénéfices, le gouvernement français essaya, par l’abandon du traité[1], de mettre un terme au progrès de la ruine, mais il ne fit qu’acquérir la conviction qu’il est beaucoup plus facile de ruiner en quelques années des fabriques florissantes que de relever dans une génération des fabriques ruinées. La concurrence anglaise avait fait naître en France pour les articles anglais un goût qui longtemps encore entretint une contrebande étendue et difficile à réprimer. Les Anglais n’eurent pas autant de peine, après la cessation du traité, à accoutumer de nouveau leurs palais aux vins de la Péninsule.

Bien que les troubles de la révolution et les guerres continuelles de Napoléon ne fussent guère favorables à l’industrie française, et que, durant cette période, les Français eussent perdu la plus grande partie de leur commerce maritime et toutes leurs colonies, néanmoins les fabriques françaises, uniquement grâce à la possession exclusive du marché intérieur et à l’abolition des entraves féodales, jouirent, sous l’Empire, d’une prospérité plus grande qu’à aucune époque de l’ancien régime. On a fait la même remarque à l’égard de l’Allemagne et de tous les pays auxquels s’étendit le système continental.

Napoléon avait dit dans son style monumental qu’un pays

  1. Le traité subsista jusqu’à la guerre avec la Grande-Bretagne, (H. R.)