Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/216

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CHAPITRE IX.

les américains du nord.


Après avoir retracé, l’histoire en main, la politique commerciale des peuples européens de ceux du moins qui ont quelque chose à nous apprendre, nous jetterons un coup d’œil

    points. Il n’est donc pas l’auteur du système protecteur de la Russie.
      « Ce système n’entrave pas le commerce d’une manière exagérée ; c’est ce que prouvent les recettes annuelles, qui ont triplé depuis 1823, et dont une portion considérable est fournie par les articles des fabriques étrangères. Mais pourquoi toutes ces clameurs ?
      « Jusqu’en 1823, on n’avait pas su réprimer une contrebande, qui procurait de grands bénéfices aux pays voisins sur la frontière de l’ouest. Non-seulement dans les lignes de douane, mais dans les bureaux mêmes et jusque dans les ports, cette contrebande s’exerçait sur une grande échelle. On faisait les papiers en double, on s’entendait avec les douaniers. De la sorte, le système protecteur était fréquemment éludé, et le négociant honnête ne pouvait pas observer la loi ; plus tard, il fut très-reconnaissant de le pouvoir. L’auteur changea en grande partie le personnel des douanes ; car un bon poste dans la douane était devenu une fortune. Les douaniers furent établis sur un pied régulier aux frontières, et ils forment sur la ligne européenne un corps bien rétribué, d’environ 9 000 hommes d’élite à pied et à cheval ; il y en a 20 000 en France. Les visiteurs furent choisis parmi les soldats qui avaient fait leur temps. Contre les doubles papiers, on eut recours à un timbre, le contrôle fut accéléré, la contrebande fut soigneusement poursuivie à l’intérieur par des employés habiles et sûrs, etc. à l’aide de toutes ces mesures, on réduisit la contrebande, surtout celle qui s’exerçait dans les bureaux de douane, aux proportions les plus faibles ; ce ne fut point en rendant l’accès de la Russie difficile ; les touristes peuvent attester que le voyageur n’est nulle part traité avec plus d’indulgence et de politesse ; il n’y a que les allées et venues des contrebandiers qui trouvent quelques obstacles à la frontière ; encore le commerce de la frontière a-t-il été notablement facilité dans ces derniers temps.
      « La contrebande devint ainsi plus périlleuse, les primes d’assurance haussèrent, les marchandises encombrantes ne furent plus guère de son domaine ; les captures avaient été au commencement très-considérables, elles diminuèrent peu à peu. Hinc illae lacrymae ! Certaines gens, dans les pays limitrophes, éprouvèrent de fortes pertes ; de là les plaintes qui ont retenti dans les journaux et dans les livres. On se plaît à répéter que l’industrie manufacturière de la Russie a une existence tout artificielle ; les libéraux, les esprits passionnés trouvent extrêmement injuste que la Russie s’occupe de ses intérêts et non pas de ceux de l’étranger, malgré le désespoir que leur cause un système de clôture qui, à proprement parler, n’existe pas. List a dit la vérité.
      « Il est faux en outre que l’industrie russe vive à l’aide de sacrifices du gouvernement. Elle est forte par elle-même, et, depuis vingt-cinq ans, aucune somme importante n’a été consacrée à soutenir les fabriques. On a, depuis 1823, employé de tout autres moyens pour le développement de l’industrie : une gazette du commerce, un journal des manufactures, des agents à l’étranger pour faire connaître toutes les nouvelles découvertes, tous les perfectionnements, l’expédition régulière d’échantillons, l’engagement d’étrangers habiles, un conseil des manufactures avec ses sections et ses correspondants, un grand institut technologique des écoles industrielles, l’envoi de jeunes gens à l’étranger, des expositions périodiques des produits de l’industrie à Moscou et à Saint-Pétersbourg avec des récompenses pour le mérite, des écoles gratuites de dessin, des règlements pour une meilleure police du travail, et beaucoup d’autres moyens que j’omets. Tout cela a contribué à accroître les lumières, le zèle, en un mot le capital intellectuel, à perfectionner les méthodes, à développer les dispositions naturelles de la nation, enfin à porter l’industrie au degré d’avancement auquel elle est parvenue et à réduire les prix, peut-être dans une trop forte proportion. Si cette industrie est encore en arrière pour les qualités superfines, elle réussit parfaitement dans les bonnes qualités, dans les articles moyens et inférieurs. Les draps ordinaires de la Russie sont meilleurs que ceux de France et ne coûtent pas davantage. Le tissage et la filature du coton y sont en bonne voie, pour les soieries, il n’y a qu’avec Lyon qu’elle ne puisse pas rivaliser. Saint-Pétersbourg et Moscou sont remplis de fabriques ; les bronzes de Saint-Pétersbourg, s’ils le cèdent pour la forme à ceux de France, sont d’un meilleur travail et d’une dorure plus solide, un peu plus chers toutefois. Du reste, si des écrivains sérieux, je ne nomme personne, dépeignent l’industrie russe comme artificielle, on doit l’expliquer sans doute par l’influence épidémique des rêveries du libre échange. »
      Je dois ajouter que les modifications apportées au tarif russe depuis un certain nombre d’années ont eu généralement pour but d’accorder des facilités au commerce. Le tarif de novembre 1850 avait aboli la plupart des prohibitions en les remplaçant, il est vrai, par des droits extrêmement élevés. Un nouveau tarif, qui apporte au régime en vigueur de notables adoucissements, a été signé le 9 juin 1857. (H. R.)