Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/251

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de manière à nourrir dix et peut-être cent fois plus d’hommes qu’il n’en existe aujourd’hui.

C’est une vue étroite que de prendre la puissance actuelle des forces productives pour mesure du nombre d’hommes qui peuvent trouver leur subsistance sur un espace donné. Le sauvage, le chasseur et le pêcheur n’auraient pas, dans leur manière de calculer, trouvé place sur la terre entière pour un million d’hommes ; le pasteur pour dix millions ; l’agriculteur ignorant pour cent millions, et cependant l’Europe seule aujourd’hui contient deux cent millions d’hommes. La culture des pommes de terre ainsi que des plantes fourragères et les récents progrès de l’économie agricole en général ont décuplé la puissance de l’homme pour la production des denrées alimentaires. En Angleterre, au moyen-âge, un acre de terre rendait en froment quatre pour un, il rend aujourd’hui de dix à vingt, et cinq fois plus de terrains ont été mis en culture. Dans plusieurs contrées européennes, dont le sol possède la même fertilité naturelle que celui de l’Angleterre, le produit actuel ne dépasse pas quatre. Qui pourrait assigner des bornes aux découvertes, aux inventions, aux progrès du genre humain ? La chimie agricole est encore dans son enfance ; qui peut dire si demain une nouvelle découverte, un procédé nouveau ne quadruplera pas ou ne décuplera pas la fécondité du sol ? Déjà les puits artésiens ont donné le moyen de transformer d’arides solitudes en des champs fertiles. Et quelles forces ne sont peut-être pas enfermées encore dans les entrailles de la terre ? Supposez qu’une découverte nouvelle mette à même de produire partout de la chaleur à bas prix, sans recourir aux combustibles aujourd’hui connus, que de terrains ne pourrait-on pas mettre en culture, et dans quelle proportion incalculable la puissance productive d’un espace donné ne pourrait-elle pas s’accroître ! Si la théorie de Malthus nous paraît étroite dans sa tendance, dans ses moyens elle se montre contraire à la nature, destructive de la morale et de l’énergie, horrible enfin. Elle veut détruire un mobile, que la nature emploie pour stimuler les hommes aux efforts de corps