Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/329

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et consomme la plupart de ses produits, où les individus n’entretiennent que peu de rapports les uns avec les autres, ne peut offrir un mouvement de marchandises ni de personnes assez vaste pour couvrir les frais de construction et d’entretien de pareilles machines.

Les inventions nouvelles et les améliorations sont peu appréciées dans un pays purement agriculteur. Ceux qui les poursuivent y perdent en général leurs recherches et leurs efforts. Dans un pays manufacturier, au contraire, il n’y a point de voie qui mène plus vite à la richesse et à la considération que celle des inventions et des découvertes. Dans ce dernier, le génie est plus estimé et mieux rémunéré que le talent, le talent que la force physique. Dans le pays agriculteur, si l’on excepte les services publics, c’est à peu près l’opposé qui est la règle.

Les manufactures n’agissent pas moins sur le développement de la puissance du travail physique que sur celui des forces morales de la nation ; elles offrent aux ouvriers des jouissances et des stimulants qui les excitent à déployer toutes leurs forces et l’occasion de les employer. C’est un fait incontesté que, dans les pays manufacturiers qui prospèrent, l’ouvrier, indépendamment du secours qu’il trouve dans des machines et dans des instruments meilleurs, exécute chaque jour infiniment plus d’ouvrage que dans les pays purement agriculteurs.

Déjà cette circonstance que dans les pays manufacturiers le temps a incomparablement plus de prix que dans les pays agriculteurs, témoigne de la situation plus élevée qu’y obtient le travail. Le degré de civilisation d’un peuple et le cas qu’il fait du travail ne sauraient mieux se mesurer que sur le prix qu’il attache au temps. Le sauvage reste des jours entiers oisif dans sa cabane. Comment le pasteur connaîtrait-il le prix du temps, lui pour qui c’est un fardeau, que le chalumeau ou le sommeil peut seul lui rendre supportable ? Comment un esclave, un serf, un corvéable apprendrait-il à ménager le temps, lui pour qui le travail est une punition et l’oisiveté un