Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

forces productives rapproche, au contraire, avec une puissance irrésistible les manufacturiers les uns des autres. Le frottement produit les étincelles de l’esprit tout comme celles du feu. Mais il n’y a de frottement intellectuel que là où l’on est voisin, là où les relations d’affaires et d’études, celles de la société et de la vie politique sont fréquentes, là où il existe un grand commerce de marchandises et d’idées. Plus les hommes vivent unis dans un seul et même lieu, plus chacun d’eux a besoin pour son industrie du concours de tous les autres ; plus son industrie exige de lumières, de prudence et de culture, moins l’arbitraire, l’absence des lois, l’oppression et les prétentions illégitimes sont compatibles avec l’activité des individus et avec leur poursuite du bien-être ; plus les institutions civiles sont parfaites, plus la liberté est étendue, plus on a occasion de se former soi-même ou d’aider à l’éducation des autres. Aussi dans tous les lieux et dans tous les temps la liberté et la civilisation sont-elles sorties des villes : témoin, dans l’antiquité la Grèce et l’Italie, au moyen âge l’Italie, l’Allemagne, la Belgique et la Hollande, plus tard l’Angleterre, et tout récemment l’Amérique du Nord et la France.

Mais il y a deux espèces de villes ; nous appellerons les unes productives, les autres consommatrices. Il y a des villes qui mettent en œuvre les matières brutes, et qui les paient à la campagne en articles manufacturés, de même que les denrées alimentaires dont elles ont besoin ; ce sont les cités manufacturières, les villes productives. Leur prospérité fait la prospérité de l’agriculture, et elles grandissent d’autant plus que l’agriculture déploie plus de ressources. Mais il y a aussi des villes où vivent ceux qui consomment la rente de la terre. Dans tous les pays quelque peu cultivés, une grande portion du revenu national est consommée à titre de rentes au sein des villes. Ce serait une erreur que de soutenir en thèse générale que ces consommations nuisent à la production ou même ne lui sont pas utiles ; car la possibilité de s’assurer, au moyen d’une rente territoriale, une existence indépen-