Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/434

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des matières premières pour les fabriques, servent plutôt comme stimulants que comme moyens d’alimentation. Personne ne peut nier qu’un café d’orge sans sucre est tout aussi nourrissant que du moka avec du sucre. Et, à supposer que ces produits contiennent quelque substance nutritive, ils présentent sous ce rapport si peu d’importance qu’on peut tout au plus les considérer comme des moyens de remplacer les denrées alimentaires du pays. Les épices et le tabac en particulier ne sont pas autre chose que des stimulants, c’est-à-dire, que leur utilité sociale consiste en ce qu’ils augmentent les jouissances de la masse de la population et l’excitent aux travaux de l’intelligence et du corps.

Dans quelques pays, parmi les personnes qui vivent de traitements ou de rentes, on se fait des idées très-fausses de ce qu’on appelle le luxe des classes inférieures. On s’étonne de ce que les ouvriers boivent du café avec du sucre, et on vante le temps où ils se contentaient de bouillie d’avoine ; on regrette que le paysan ait changé contre du drap son pauvre et uniforme vêtement de coutil ; on craint que la servante ne puisse bientôt plus être distinguée de la maîtresse, on exalte les règlements somptuaires des temps passés. Mais si l’on mesure le travail de l’ouvrier dans les contrées où il est nourri et vêtu comme le riche, et dans celles où il se contente d’aliments et de vêtements grossiers, on trouve que, dans les premières, l’accroissement des jouissances de l’ouvrier, loin de nuire à la prospérité générale, a augmenté les forces productives de la société. La besogne quotidienne de l’ouvrier y est le double ou le triple de ce qu’elle est ailleurs. Les règlements somptuaires n’ont fait que tuer l’émulation chez la plupart des habitants et n’ont encouragé que la paresse et la routine[1].

Les produits, sans doute, doivent avoir été créés avant de

  1. Cette appréciation judicieuse de l’utilité des consommations de luxe met au néant bien des déclamations dont elles ont été l’objet. D’autres économistes, du reste, et en particulier Mac Culloch, les ont approuvées en les envisageant du même point de vue, c’est-à-dire comme stimulants au travail. (H. R.)