Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/482

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lèges des manufacturiers en faveur des propriétaires du sol, tandis que les coups portaient principalement sur les privilèges de ces derniers. Le pauvre Colbert était seul responsable du triste état de l’agriculture française, quand tout le monde savait que la France ne possédait une grande industrie que depuis Colbert, et que le bon sens le plus vulgaire comprend que les manufactures sont le principal moyen de faire fleurir l’agriculture et le commerce.

La révocation de l’édit de Nantes, les guerres étourdies de Louis XIV et les prodigalités de Louis XV étaient complètement oubliées.

Quesnay a, dans ses ouvrages, reproduit et réfuté une à une les objections que son système avait rencontrées ; on s’étonne de tout ce qu’il met de bon sens dans la bouche de ses adversaires, et de tout ce qu’il leur oppose d’absurdité mystique. Toute cette absurdité, néanmoins, était réputée sagesse par les contemporains du réformateur, parce que la tendance de son système répondait à la situation de la France d’alors ainsi qu’au penchant cosmopolite du dix-huitième siècle[1].

  1. « Qu’on maintienne l’entière liberté du commerce, car la police du commerce intérieur et extérieur la plus sûre, la plus exacte, la plus profitable à la nation et à l’État, consiste dans la pleine liberté de la concurrence. » Telle est la 25ème des Maximes générales de Quesnay. J’ai déjà fait observer dans une note précédente que la république universelle dont il parle ne s’entend que des commerçants, qu’il distingue des nations auxquelles ils appartiennent ; son disciple Dupont de Nemours a dit quelque part, il est vrai, que « exactement parlant, il n’existe dans le monde qu’une seule société humaine, » et, d’après Turgot, « quiconque n’oublie pas qu’il y a des États politiques séparés les uns des autres et constitués diversement, ne traitera jamais bien aucune question d’économie politique ; » mais ce n’est pas cette pensée cosmopolite qui a dicté la maxime du maître en faveur de la liberté absolue du commerce international. Ce n’est pas davantage une appréciation scientifique du commerce extérieur, en tant qu’il opère sur le globe une division meilleure du travail et qu’il multiplie nos jouissances. Pour Quesnay, le commerce extérieur est « un pis-aller pour les nations auxquelles le commerce intérieur ne suffit pas pour débiter avantageusement les productions de leur pays. » Il voit surtout dans la liberté du commerce extérieur un moyen d’assurer un prix élevé aux produits agricoles, et de diminuer, par la concurrence, les salaires que, suivant lui, les agriculteurs paient aux manufacturiers