Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/56

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d’un autre côté ; » et un homme, encore jeune et à la physionomie heureuse, tendit la main vers moi : « Vous êtes donc venu ici pour vous convertir ? — Oui, répondis-je, et pour demander l’absolution de mes péchés. » Je restai ainsi un quart d’heure à plaisanter au milieu de mes trois grands adversaires. Quelle vie politique dans ce pays-ci ! On y voit l’histoire pousser. »

Dans ce séjour à Londres, qui dura environ trois mois, encouragé par le ministre de Prusse, de Bunsen, List composa un mémoire concernant les avantages et les conditions d’une alliance entre l’Angleterre et l’Allemagne. Il est question, dans une note de la présente traduction, de cet écrit qui fut le dernier de List et comme son testament politique et économique. Le peu d’effet qu’il produisit sur les hommes d’État de l’Angleterre auxquels il avait été adressé, acheva de décourager son auteur.

Déjà List semblait avoir le pressentiment de sa fin prochaine. Plus d’une fois, à Londres, il avait trahi ce douloureux secret : « Je dois me hâter, disait-il un jour, de terminer mes affaires, et de me mettre en route ; car il me semble que je porte en moi une maladie mortelle et que je mourrai bientôt ; or, je voudrais mourir et être inhumé dans mon pays. » Une autre fois, il se plaignait de l’affaissement de son esprit et de la fatigue que lui causaient un labeur quotidien et des efforts sans relâche : « On dit, ajouta-t-il, que le Zollverein, pour me récompenser de ce que j’ai fait pour lui, me mettra une couronne sur la tête ; si c’est son intention, il faut qu’il se hâte ; aujourd’hui il trouverait encore quelques cheveux gris à couronner ; qui sait si l’an prochain il trouvera autre chose qu’un cadavre ? » Celui qui prononçait ces paroles paraissait cependant dans la pleine possession de ses rares facultés de corps et d’esprit, et sa constitution robuste semblait lui promettre une longue carrière.

Mais cette apparence était trompeuse. Tant d’entreprises, tant d’études et tant de combats, où il avait mis non-seulement toutes ses forces, mais tout son cœur, n’avaient pu manquer