Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’absence complète d’une véritable entente de ce qui détermine le Beau en soi, comme des moyens qui le révèlent et qui constituent l’Art. Les appréciations de salon ne sont que d’éternels à-peu-prés, comme les appelait Sainte-Beuve, dans une boutade mignonne d’un de ces feuilletons saupoudrés et pailletés de fms aperçus qui, chaque Lundi, charmaient ses lecteurs. Le beaumonde ne recherche que des impressions superficielles, n’ayant aucune racine dans des connaissances préalables, aucune portée et aucun avenir dans un intérêt sincère et soutenu ; impressions si passagères, qu’on peut les appeler plutôt physiques que morales. — Trop préoccupé des petits intérêts du jour, des incidens de la politique, des succès de jolies femmes, des bons-mots de ministres « à pied » ou de désœuvrés mécontens, du mariage ou des relevailles de quelque élégante du moment, des maladies d’enfans ou des liaisons peu édifiantes, de médisances qu’on traite de calomnies ou de calomnies qu’on traite de médisances, le grand-monde ne veut en fait de poésie, ne supporte en fait d’art, que des émotions qui s’inhalent en quelques minutes, s’épuisent en une soirée, s’oublient le lendemain !

Le grand-monde finit ainsi par n’avoir pour constans commensaux que des artistes vains et obséquieux, faute de savoir être fiers et patiens. Puis, en s’affadissant le goût avec eux. il perd la virginité, l’originalité, la spontanéité primitive de ses sensations ; ensuite de quoi, il ne saurait plus saisir, ni ce qu’un artiste de grand calibre,