Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/158

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glissait dessus comme une onde épandue, rejoignant les clartés incohérentes du toyer où surgissaient de temps à autre des flammes orangées, courtes et épaisses, comme des gnomes curieux attirés par des mots de leur langue. Un seul portrait, celui d’un pianiste et d’un ami sympathique et admiratif, présent lui-même cette fois, semblait invité à être le constant auditeur du flux et reflux de tons qui venaient chanter, rêver, gémir, gronder, murmurer et mourir, sur les plages de l’instrument près duquel il était placé. Par un spirituel hasard, la nappe réverbérante de la glace ne reflétait, pour le doubler à nos yeux, que le bel ovale et les soyeuses boucles blondes de la Csse d’Agoult, que tant de pinceaux ont copiés, que la gravure vient de reproduire pour ceux que charme une plume élégante.

Rassemblées dans la zone lumineuse, plusieurs têtes d’éclatante renommée étaient groupées autour du piano. Heine, ce plus triste des humoristes, écoutant avec l’intérêt d’un compatriote les narrations que lui faisait Chopin sur le mystérieux pays que sa fantaisie éthérée hantait aussi, dont il avait aussi exploré les plus délicieux parages. Chopin et lui s’entendaient à demi-mot et à demi-son. Le musicien répondait par de surprenans récits aux questions que le poète lui faisait tout bas, sur ces régions inconnues dont il lui demandait des nouvelles ; sur cette « nymphe rieuse« ’) dont il voulait savoir « si elle continuait à

1) Heine, Solon. Chopin.