Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/162

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qui n’ont pas ou pour marraine quelque fée, prenant à tâche leur vie durant de tenir en échec les mauvaises fortunes en prodiguant les joyaux de leurs écrins aux étranges scintillemens. Comme il entretenait souvent Chopin de ses vagabondes excursions dans le pays du surnaturel poétique, Chopin nous répétait ses discours, nous racontait ses descriptions, nous révélait ses récits, et Heine le laissait faire, oubliant notre présence lorsqu’il l’écoutait.

Au soir dont nous parlons, à côté de Heine était assis Meyerbeer, pour lequel sont épuisées depuis longtemps toutes les interjections admiratives. Lui, harmoniste aux constructions cyclopéennes, il passait de longs instants à savourer le délectable plaisir de suivre le détail des arabesques qui enveloppaient les improvisations de Chopin, comme d’une blonde diaphane.

Plus loin, Adolphe Nourrit ; c’était un noble artiste, passionné et austère à la fois. Catholique sincère et presque ascétique, il rêvait pour l’art, avec toute la ferveur d’un maître du moyen-âge, un avenir régénérateur du Beau pur, glorificateur du Beau immacul.1 ! Dans les dernières années de sa vie, il refusait son talent à toutes les scènes d’un ordre de sentimens peu élevés ou superficiels, pour servir l’art avec un chaste et enthousiaste respect, ne l’acceptant dans ses diverses manifestations, ne le considérant à toutes les heures du jour, que comme un saint tabernacle dont la beauté forme la splendeur du vrai. Sourdement miné par une