Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/216

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L’idée n’y peut sortir d’une pauvreté singulièrement dénudée, tant qu’elle reste en deçà des bornes du lieu commun ; par contre, elle réclame une rare précision de termes pour ne pas devenir baroque au de là. La littérature polonaise compte moins que d’autres les noms d’auteurs devenus classiques ; en revanche, presque chacun d’eux dota sa patrie d’une de ces œuvres qui restent à jamais. Elle doit peut-être à ce caractère hautain et exigeant de son idiôme, de voir le nombre de ses chefs-d’œuvre en proportion plus grande qu’ailleurs avec celui de ses littérateurs. On se sent maître, quand on se hasarde à manier cette belle et riche langue. ’)

1) On ne saurait reprocher au polonais de manquer d’harmonie et d’être dépourvu d’attrait musical. Ce n’est pas la fréquence des consonnes qui constitue toujours et absolument la dureté d’une langue, mais le mode de leur association ; on pourrait même dire que quelques-unes n’ont un coloris terne et froid, que par l’absence de sons bien déterminés et fortement marqués. C’est la rencontre désagréable et disharmonieuse de consonnes hétérogènes, qui blesse péniblement les habitudes d’une oreille délicate et cultivée ; c’est le retour répété de certaines consonnes bien accouplées qui ombre, rhythme le langage, lui donne de la vigueur, la prépondérance des voyelles ne produisant qu’une sorte de teinte claire et pâle qui demande à être relevée par des rembrunissemens. Les langues slaves emploient, il est vrai, beaucoup de consonnes, mais en général avec des rapprochemens sonores, quelquefois flatteurs à l’ouïe, presque jamais tout-à-fait discordans, même alors qu’ils sont plus frappans que mélodieux. La qualité de leurs sons est riche, pleine et très-nuancée ; ils ne restent point resserrés dans une sorte de médium étroit, mais s’étendent dans un régistre considérable par la variété des intonations qu’on leur applique, tantôt basses, tantôt hautes. Plus on avance vers l’Orient, et plus ce trait philologique s’accentue ; on le rencontre dans les langues sémitiques : en chinois, le même